jeudi 11 avril 2013

130411 - ECOUTE - ESCAICH, Thierry - Claude



En direct de l'Opéra de Lyon :

Thierry Escaich,

Claude

(Création mondiale)






♫ Livret de Robert Badinter d’après la roman de Victor Hugo, Claude Gueux (1834)


Jean-Sébastien Bou, Baryton, Claude
Rodrigo Ferreira, Contre-ténor, Albin
Jean-Philippe Lafont, Baryton, Le Directeur
Laurent Alvaro, Baryton, L'Entrepreneur /Le Surveillant général
Rémy Mathieu, Ténor, Premier personnage /Premier surveillant
Philip Sheffield,Ténor, Deuxième personnage /Deuxième surveillant
Loleh Pottier*, Mezzo-soprano, La Petite fille
Anaël Chevallier*, Mezzo-soprano, La Voix en écho
Yannick Berne**, Ténor, Premier détenu
Paolo Stupenengo**, Baryton, Deuxième détenu
Jean Vendassi**,Basse, Troisième détenu
David Sanchez Serra**, Ténor, L'avocat
Didier Roussel**, Ténor, L'avocat général
Brian Bruce**, Ténor, Le Président
Laura Ruiz Tamayo, Danseuse

Orchestre et Choeurs de l'Opéra de Lyon
*Elève de la Maîtrise de l'Opéra de Lyon
**Artistes des Choeurs de l'Opéra de Lyon
Avec la participation artistique de l'ENSATT (Ecole Nationale Supérieure 
 des Arts et Techniques du Théâtre - http://www.ensatt.fr/)

Karine Locatelli, Chef de choeur de la Maîtrise
Ouri Bronchti, Chef de chant
Jérémie Rhorer, Direction

Olivier Py, Mise en scène




 
"Claude",
un chant qui monte de l'enfer des prisons
 




Robert Badinter l'a dit haut et fort :

" Dans un opéra, c'est le compositeur le plus important. Ce sont les opéras de Mozart, et non de Da Ponte. Ce sont les opéras de Strauss, et non d'Hofmannsthal. "

Mais l'ancien Garde des Sceaux de François Mitterrand - aujourd'hui librettiste d'opéra - n'a pas été écouté et est resté médiatiquement en première ligne pour annoncer la création de Claude, tiré du court roman de Victor Hugo, Claude Gueux (1834), et le premier opéra du compositeur et organiste, Thierry Escaich (né en 1965).

Parmi les hôtes de marque de cette soirée du 27 mars pas comme les autres, outre Robert Badinter et sa femme, la philosophe Elisabeth Badinter, Anne Sinclair et Pierre Nora, l'actuelle Garde des Sceaux Christiane Taubira, seul membre du gouvernement à avoir fait le déplacement à l'Opéra de Lyon pour assister à ce plaidoyer contre la prison et pour la dignité humaine.
 
La peine de mort, abolie en 1981, n'est certes plus une question brûlante en France. La dernière fois que la "Veuve " a tranché, c'était le 10 septembre 1977 pour l'exécution d'Hamida Djandoubi à la prison des Baumettes à Marseille. Mais celle de la justice et des prisons est au cœur des débats fussent-ils opératiques. Ainsi Claude Gueux que Robert Badinter a transposé dans le monde des soieries lyonnaises du XIXe siècle, faisant du héros hugolien (sorte de Jean Valjean avant la lettre) un homme révolté. C'est ainsi que Claude participe à la fameuse révolte des canuts, montés aux barricades sur les pentes de la Croix-Rousse, à deux pas de l'opéra, pour protester contre le remplacement des ouvriers par des machines anglaises. Condamné à sept ans de prison à Clairvaux, dans l'Aube, Claude y aimera un autre détenu, Albin, passion contrariée qui le mènera au meurtre du directeur de la prison, puis à l'échafaud.
 
Attaché à une démonstration fortement teintée de didactisme, le livret de Robert Badinter n'a pas suivi la rhétorique et les effets de manches hugoliens (encore que le jeune poète de 31 ans soit plutôt sobre). Il en résulte parfois un prosaïsme un peu sec et une atrophie dramaturgique, que la musique démultiplie curieusement par son antithèse pléthorique. La musique de Thierry Escaich évoque en effet une sorte de surpeuplement carcéral, qui utilise les couleurs de l'orchestre avec une impétuosité proche des rutilances d'un plein jeu d'orgue. C'est d'ailleurs cette luxuriance qui rend parfois difficile la marche du parcours vocal, notamment celle du faible contreténor Albin - une bonne idée théorique, inadéquate sur le plan dramatique que cette voix dont "l'étrange étrangeté" a attiré nombre de compositeurs de musique contemporaine ces dernières années, devenant presque une figure obligée.



 
 
Vols, viols et violences
 
La très bonne surprise est venue des interprètes. Sur le plateau d'abord. Saluons tout particulièrement l'incroyable performance du baryton Jean-Sébastien Bou, rôle-titre d'une puissance tellurique, véritable fauve de scène. Si Jean-Philippe Lafont est un directeur de prison monolithique (ainsi le veut le rôle), Rodrigo Ferreira incarne un Albin touchant mais à la trop fragile projection vocale. Les deux chœurs (celui des détenus et le chœur mixte - la voix de Victor Hugo) sont remarquables, les rôles secondaires ne passent pas inaperçus, notamment le ténor Rémy Matthieu (Premier personnage), Laurent Alvaro (l'Entrepreneur), la Petite Fille : Loleh Pottier, que double en écho Anaël Chevallier. A la tête du bel Orchestre de l'Opéra de Lyon, Jérémie Rhorer a réalisé un travail titanesque digne d'admiration, réussissant à braver les éléments parfois cataclysmiques d'une partition hérissée de changements de mesures et autres chausse-trapes instrumentaux.
Olivier Py est ici à son meilleur. Porté par la musique, le metteur en scène a déchaîné sa propre partition dans la partition, utilisant comme un orchestre de résonances et de percussions (coups de pieds, de poings, lits et tables renversés) le décor de hauts murs de briques et l'impressionnant dispositif géométrique de cages à poule que Pierre-André Weitz avait conçu pour sa Carmen mise en scène dans les mêmes lieux en juin 2012. Cette symphonie des corps, liturgie christique du monde carcéral avec vols, viols et violences (physiques, psychologiques et mentales) est celle des anges déchus et des âmes fortes - faiblesse de la chair, esprit qui veille. La jeune ballerine en tutu titubant et tombant par trois fois, percutée par la foule, image finale du rêve paradisiaque de Claude après l'exécution, se relèvera dans une gloire crépusculaire de confettis. Faiblesse de la chair, esprit qui veille.
Bien tristes au réveil de l'opéra longuement acclamé par le public, les clameurs des manifestants anti mariage pour tous, qui, avertis par les réseaux sociaux de la présence de la Ministre de la Justice, sont venus agiter bras et banderoles aux cris de " Casse-toi Taubira " et " Nous sommes tous des enfants d'hétéros ". A quoi Claude Gueux eût répondu en écho : " Nous sommes tous des enfants de Clairvaux. "
 





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