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LA CRITIQUE LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 15/01/2003 (TELERAMA)
 Notre monde gronde, erre, souffre... Et ça ne va pas mieux en le 
disant, car, à agiter ce genre d'idée, on tombe vite dans les clichés. 
Ou alors, il faut savoir s'élever et regarder le monde avec ampleur. 
Carlos Reygadas a ce talent. Son film commence sur le périphérique de 
Mexico, et déjà ce paysage urbain ingrat suggère des sentiments qui 
n'ont rien de banal. Une peur, un désespoir existentiels. Quand le décor
 devient celui d'une vallée perdue au coeur des montagnes, on pourrait 
se croire à l'aube ou au crépuscule de l'humanité. Les images de Japón 
ont du souffle. Elles traquent le sens de la vie, sa valeur secrète. 
Comme les personnages mystérieux et attachants, interprétés par des 
non-professionnels dont les visages portent l'empreinte des épreuves du 
temps.
Un homme est venu jusque dans cette vallée pour mourir d'une mort 
réfléchie, soutenue par une forme de sagesse, comme le seppuku des 
Japonais. Là, il rencontre des paysans démunis qui se soûlent pour 
s'inventer une joie de vivre. Entre eux, rien ne semble pouvoir être 
partagé. Mais Carlos Reygadas s'attache pourtant à les réunir. Il 
observe la réalité la plus concrète, la plus viscérale et il explore en 
même temps un monde pas du tout terre à terre, fait d'idées souvent 
noires et de souffrance moins physique que métaphysique.
Cet étonnant désir de tout brasser, de tout embrasser, culmine dans la 
relation qu'engage l'homme avec une vieille femme nommée Ascen. Ils sont
 comme le jour et la nuit. Lui sombre, ombrageux, et elle tournée vers 
la lumière des images pieuses et un peu kitsch dont elle s'entoure. Mais
 l'inimaginable se produit : le jour et la nuit s'accouplent. C'est 
violent, dérangeant et terriblement concret, avec des détails n'éludant 
pas même la question de la souplesse d'un corps âgé. Mais c'est aussi 
étrangement beau, bouleversant et poétique. Comme si la nuit et le jour 
s'accouplaient vraiment, faisant trembler le monde entre stupeur et 
éblouissement. Ce qui retentira sur le destin de chacun d'eux.
Carlos Reygadas ne manque pas d'audace, et son ambition de cinéaste est 
résolument immense. Nourrie par des références de poids (aux films de 
Tarkovski ou de Sokourov, entre autres), elle pourrait devenir 
écrasante. Mais l'impertinence de la jeunesse l'accompagne : Japón est 
un premier film réalisé sans moyens, avec l'énergie des risque-tout et 
le perfectionnisme esthétique des passionnés. Cette vision du chaos du 
monde est lucide, grave et profonde. Il faut heureusement ajouter 
qu'elle est vive, affective et ne prétend pas asséner un message ni se 
résoudre à une signification unique. Le titre à la fois énigmatique et
 élégant donne le ton.
     Notre monde gronde, erre, souffre... Et ça ne va pas mieux en le 
disant, car, à agiter ce genre d'idée, on tombe vite dans les clichés. 
Ou alors, il faut savoir s'élever et regarder le monde avec ampleur. 
Carlos Reygadas a ce talent. Son film commence sur le périphérique de 
Mexico, et déjà ce paysage urbain ingrat suggère des sentiments qui 
n'ont rien de banal. Une peur, un désespoir existentiels. Quand le décor
 devient celui d'une vallée perdue au coeur des montagnes, on pourrait 
se croire à l'aube ou au crépuscule de l'humanité. Les images de Japón 
ont du souffle. Elles traquent le sens de la vie, sa valeur secrète. 
Comme les personnages mystérieux et attachants, interprétés par des 
non-professionnels dont les visages portent l'empreinte des épreuves du 
temps.
Un homme est venu jusque dans cette vallée pour mourir d'une mort 
réfléchie, soutenue par une forme de sagesse, comme le seppuku des 
Japonais. Là, il rencontre des paysans démunis qui se soûlent pour 
s'inventer une joie de vivre. Entre eux, rien ne semble pouvoir être 
partagé. Mais Carlos Reygadas s'attache pourtant à les réunir. Il 
observe la réalité la plus concrète, la plus viscérale et il explore en 
même temps un monde pas du tout terre à terre, fait d'idées souvent 
noires et de souffrance moins physique que métaphysique.
Cet étonnant désir de tout brasser, de tout embrasser, culmine dans la 
relation qu'engage l'homme avec une vieille femme nommée Ascen. Ils sont
 comme le jour et la nuit. Lui sombre, ombrageux, et elle tournée vers 
la lumière des images pieuses et un peu kitsch dont elle s'entoure. Mais
 l'inimaginable se produit : le jour et la nuit s'accouplent. C'est 
violent, dérangeant et terriblement concret, avec des détails n'éludant 
pas même la question de la souplesse d'un corps âgé. Mais c'est aussi 
étrangement beau, bouleversant et poétique. Comme si la nuit et le jour 
s'accouplaient vraiment, faisant trembler le monde entre stupeur et 
éblouissement. Ce qui retentira sur le destin de chacun d'eux.
Carlos Reygadas ne manque pas d'audace, et son ambition de cinéaste est 
résolument immense. Nourrie par des références de poids (aux films de 
Tarkovski ou de Sokourov, entre autres), elle pourrait devenir 
écrasante. Mais l'impertinence de la jeunesse l'accompagne : Japón est 
un premier film réalisé sans moyens, avec l'énergie des risque-tout et 
le perfectionnisme esthétique des passionnés. Cette vision du chaos du 
monde est lucide, grave et profonde. Il faut heureusement ajouter 
qu'elle est vive, affective et ne prétend pas asséner un message ni se 
résoudre à une signification unique. Le titre à la fois énigmatique et
 élégant donne le ton. 
Frédéric Strauss
     
 
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