vendredi 21 septembre 2012

120921 - LECTURE - Bastien VIVES et RUPPERT & MULOT - La grande Odalisque



Rien ne leur fait peur, pas même braquer le Louvre pour y barboter La Grande Odalisque, d'Ingres (« la peinture de la nana qui a trois vertèbres de plus que tout le monde »). Alex, Carole et Sam sont trois voleuses hors normes, des pétroleuses haut de gamme qui pratiquent allègrement l'escalade, la chute libre ou le deltaplane. Capables, en un claquement de doigts, de changer leur plan de carrière et de devenir narcotrafiquantes au Mexique. Drôlement modernes aussi, ces filles, qui se font plaquer par texto — en plein braquage ! — ou assistent à un défilé de mode Dries Van Noten. Ces donzelles d'exception sont mises en scène par un attelage inédit : Bastien Vivès, auteur de l'acclamé Polina, et le très créatif duo Ruppert & Mulot (Le Tricheur, Irène et les clochards). Ces gamins des années 1980 se sont inspirés de Signé Cat's Eyes, une série animée japonaise diffusée alors. Reprenant son esprit — les aventures de trois cambrioleuses frondeuses —, approfondissant largement les personnages et donnant chair à une amitié bouleversante.
La Grande Odalisque pourrait n'être qu'un délire amusant d'adulescents mordus de Tarantino. Mais ses auteurs parviennent à lui donner une autre dimension, embarquant le lecteur dans des péripéties haletantes, toujours plus osées (jusqu'à une cascade à moto sur la pyramide de Pei !). Ils arrivent surtout à bâtir des héroïnes surprenantes, agaçantes, touchantes. Mêlant leurs imaginations et leurs traits, ils impulsent à l'album un rythme soutenu, une grâce échevelée. Ruppert & Mulot, dont l'alliance s'est scellée aux Beaux-Arts de Dijon, ont laissé leurs personnages énigmatiques — aux visages neutres mais à la gestuelle très lisible — se fondre dans ceux de Bastien Vivès, à l'expressivité plus évidente. Ensemble, ils prennent le temps de poser l'action, osant la décomposer sans pour autant la plomber. Parsèment leur récit d'un humour vif, qui cueille parfois joliment. A six mains et trois cerveaux, ils réalisent un ouvrage d'une nervosité captivante, d'une trivialité exquise.

Le 22/09/2012 
Laurence Le Saux  
 Telerama n° 3271

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