mardi 2 octobre 2012

121002 - LECTURE - Haruki MARUKAMI - 1Q84 (livre 2)


          Dans ce deuxième tome de 1Q84, MURAKAMI fait entrer le lecteur encore plus profondément dans le no man’s land de ses deux mondes parallèles. D’un côté, la jeune Aomamé va devoir exécuter sa toute dernière mission sous l’œil vigilant de l’homme à tout faire Tamaru. Installée dans un appartement provisoire, elle attend patiemment le feu vert de ses employés tout en observant ces deux lunes qu’elle sait devoir quitter très prochainement. De l’autre, Tengo est toujours à la recherche de l’adolescente Fukaéri, l’auteure du roman La Chrysalide de l’air, dont on est toujours sans nouvelles. Mais la venue d’un certain Toshiharu Ushikawa, envoyé par l’Association pour la promotion scientifique et artistique du nouveau Japon, va temporairement le détourner de ses recherches. Celui-ci va lui proposer un étrange contrat qu’il refusera sur le champ, mais qui pourtant va le laisser dans un état de doute et de questionnement sur la vision qu’il porte sur l’étrange monde qui l’entoure.

          1Q84 (Livre 2 – juillet-septembre) est plus proche des premières œuvres de MURAKAMI Haruki que toutes ses dernières productions. Son univers redevient beaucoup plus opaque et épais, beaucoup plus sombre et asphyxiant. Il utilise la frontière entre ces deux mondes parallèles pour enfouir le lecteur dans un univers que lui seul peut connaître, puisqu’il est le seul à pouvoir passer d’un monde à l’autre. Et c’est pour cette raison que ce deuxième tome est beaucoup plus oppressant. On a l’impression que les deux héros du livre pourraient se rencontrer, l’attraction qu’ils ont l’un pour l’autre suffoque le lecteur qui se positionne au beau milieu de ces univers aimantés. Et tout cela est rendu possible grâce à de petits détails que l’auteur sème au gré de sa volonté sans que l’on s’en rende compte. Une lune devient deux lunes, les créatures étranges relatées dans le livre La Chrysalide de l’air, sans apparaître clairement, arrivent à fusionner les deux mondes, les deux protagonistes ont des souvenirs en commun qu’ils interprètent chacun à leur manière…

          Tout cela concerne l’atmosphère de ce deuxième volume, une sorte d’harmonie sombre et inquiétante sur laquelle se greffent les parcours d’Aomamé et de Tengo qui tentent de continuer leurs périples respectifs. Là, MURAKAMI reprend son art de conter avec son style fluide, introspectif et onirique. D’un côté, Tengo l’écrivain en herbe cerné par ses cauchemars romanesques et de l’autre, Aomamé la tueuse à gages aux prises avec le créateur de la secte des Précurseurs. Dans une chambre d’hôtel, les deux personnages se rencontrent et essaient de se comprendre. Aucun n’est là pour juger l’autre. Aomamé veut apprendre et comprendre la complexité de la secte, et l’homme est là pour la lui apprendre avant de disparaître à jamais. Un dialogue très intéressant sur la psychologie des sectes et la manipulation, un dialogue que MURAKAMI a voulu à la fois obscur et justifiable pour certains afin que le lecteur apprenne une partie de ce qu’il a lui-même appris après avoir enquêté sur la secte Aum Shinrikyō, secte qui terrorisa les Japonais en commettant un attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995.
           
           Ce deuxième volume est donc la suite logique du premier tome qui introduisait à la fois les deux personnages principaux et la dualité temporelle du récit. Il confirme également que la « longueur » de 1Q84 est tout à fait justifiée et même indispensable. Il aurait été tout à fait impossible de rendre plausible cette histoire sans en dessiner les contours le plus précisément possible et la longueur habituelle du roman n’aurait été ni adéquate ni justifiée.

          Et en ce qui concerne certains événements que le lecteur peut considérer comme improbables ou même incohérents, le plus simple est de se rappeler de ce que le chauffeur de taxi dit à Aomamé dans le premier chapitre du 1er tome lorsqu’elle décide de quitter le véhicule afin de tenter d’arriver à l’heure à son rendez-vous : « Et puis, poursuivit le chauffeur en regardant dans le rétroviseur, j’aimerais que vous vous souveniez d’un point, c’est que les choses et l’apparence, c’est différent. »

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