samedi 28 juillet 2012

120728 - LECTURE - Hugo HAMILTON - Le Marin de Dublin


Les gens disent qu’on naît innocent, mais ce n’est pas vrai. On hérite de toutes sortes de choses auxquelles on ne peut rien. On hérite de son identité, de son histoire, comme d’une tache de vin indélébile. » L’héritage dont le narrateur du Marin de Dublin est le malheureux et innocent dépositaire – lui parle même de « péché originel » –, c’est une généalogie à la fois complexe et houleuse : un père plus qu’autoritaire, nationaliste irlandais régnant en despote pas vraiment éclairé sur sa famille ; une mère allemande, ascendance extrêmement lourde à porter dans cette Irlande de l’après-guerre. On reconnaît là la trame qui, déjà, soutenait Sang impur (éd. Phébus, 2005), un précédent roman, superbe transposition fictionnelle de sa propre enfance difficile. De Sang impur, Le Marin de Dublin est en quelque­ sorte la suite : voici, à la fin des années 60, l’enfant devenu adolescent, et qui, las de subir cette famille qui est comme « une usine à cauchemars » – « D’autres familles étaient obsédées par le sport, la musique ou la danse irlandaise […] Nous avons développé un talent tout particulier pour nous inventer des peurs et des cauchemars… » –, décide de se choisir une nouvelle identité. Adoptant pour cela le prénom de son grand-père paternel, « un marin aux yeux doux » qu’il n’a jamais connu. Comme son aïeul, l’adolescent veut prendre la mer et s’engage dans l’équipage d’un chalutier, l’espace d’une saison. « Je vais enfin m’enfuir et gagner mon innocence. Adieu le passé et le ressentiment. Adieu la honte », dit le jeune homme. La réussite de ce roman d’apprentissage sensible, peuplé de personnages dotés d’une belle épaisseur, tient avant tout à la qualité de cette voix, qui semble effectivement émaner directement de l’adolescence de l’auteur, vive et intacte – tout comme ses émotions retrouvées. 
Nathalie Crom 

Traduit de l’anglais (Irlande) par Katia Holmes, éd. Phébus, 304 p., 20 €.

Le 26/05/2007
Nathalie Crom
- Telerama n° 2993
 

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