lundi 20 février 2012

120220 - LECTURE - Madison SMART BELL - La couleur de la nuit


      En cette nuit du 11 septembre 2001, Mae n’est pas, comme d’ordinaire, en train de rôder, fusil en main, dans les ténèbres du désert du Nevada : dans la caravane où elle vit seule, elle se repasse en boucle les quelques secondes de vidéo où elle vient de reconnaître, parmi les New-Yorkais paniqués courant dans les décombres, le visage convulsé de Laurel, la femme qu’elle a aimée et qui a disparu de sa vie depuis trente ans. Loin de partager l’effroi que suscite sur la planète entière le spectacle des deux tours qui ne cessent de s’effondrer, Mae y lit une invitation longtemps espérée à assumer de nouveau pleinement la cruauté à laquelle elle a, très jeune, été initiée par son propre frère avant que, entre drogue et sexe, Laurel et elle ne fassent, jusqu’au bout, l’apprentissage de la violence au sein d’une secte restée célèbre pour l’atrocité d’un de ses crimes “rituels” à la fin des années soixante.
 

     Mais Laurel, contactée, refuse radicalement de renouer avec cette dangereuse mémoire dont Mae, qui hait la pusillanimité des “mortels”, se veut la gardienne farouche et passionnée. Lâchée dans ses rêves de carnage et de sanctuaire amoureux, Mae accule alors son ancienne compagne à une ultime rencontre.
 

     A travers le saisissant personnage de Mae faisant fusionner au creuset de son délire deux des épisodes les plus emblématiques de l’histoire récente des Etats- Unis, Madison Smartt Bell en appelle aux mythes dionysiaques pour interroger avec audace le présent d’une humanité dont la propension archaïque à rechercher l’extase dans la catastrophe contribue à façonner l’éternel enfer.

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