Résumé
Le
premier et le septième tableaux se déroulent en 1945 tandis que les
cinq autres ont lieu deux ans plus tôt, en mars 1943. Chaque tableau
est divisé en scènes.
Premier tableau
Hugo
est un jeune intellectuel bourgeois qui a intégré en 1942 le parti
révolutionnaire d'Illyrie (ici
présenté comme un État de l'Est germano-slave). En 1945, après
deux ans passés en prison pour le meurtre de Hoederer (un des chefs
communistes) qui lui avait été ordonné par le parti car celui-ci
était soupçonné de vouloir pactiser avec le Régent et la droite
nationaliste, il retrouve sa protectrice de toujours, Olga. Celle-ci
a obtenu de la part de Louis (un autre chef du parti) la permission
de sonder l'état psychologique d'Hugo et d'évaluer s'il est
« récupérable », c'est-à-dire s'il est disposé à se
voir octroyer de nouvelles missions. Elle a jusqu'à minuit, après
quoi Louis tuera Hugo si celui-ci n'est pas sauvé par Olga. En
effet, Louis estime qu'Hugo doit être éliminé car il est selon lui
non récupérable. Hugo accepte de raconter à Olga le déroulement
de la mission que lui avait confié le parti deux ans plus tôt et le
public est alors plongé en 1943.
Tableaux 2 à 6
À
cette époque, Hugo souhaite prendre de l'importance dans la
structure du parti ; pour cela il cherche et trouve une mission
de haute importance : assassiner l'un des chefs charismatiques
du parti prolétarien communiste, Hoederer. Devenant son secrétaire
particulier, il va peu à peu se lier d'amitié avec lui et prendre
conscience de l'humanité de sa proie même s'il ne partagera jamais
son point de vue en matière de politique. Il tentera d'ailleurs de
convaincre Hoederer que sa théorie est la bonne, sans succès. Son
attachement à ce dernier va l'empêcher d'accomplir sa mission
jusqu'à ce qu'il surprenne Hoederer enlacé avec sa propre femme,
Jessica. Hugo va alors franchir le pas et tuer Hoederer....
Septième tableau
Dans
le septième et ultime tableau, le public est à nouveau transporté
en 1945, juste après la fin du premier tableau. Il va être minuit ;
Louis va arriver et tuera Hugo si celui-ci est effectivement non
récupérable de l'avis d'Olga. C'est alors que celle-ci dresse la
situation du moment à Hugo : le jeune homme se rend compte que
c'est la politique promue par Hoederer deux ans plus tôt qui s'est
imposée et qu'elle a amené une série de conséquences qu'Hugo
avait prévues. C'est alors qu'il s'exclame : « C'est une
farce », tandis qu'Olga lui avoue qu'Hoederer a été propulsé
au rang d'icône et de personnage historique en qualité de
visionnaire.
Olga
lui propose d'oublier son crime, son identité et de repartir à
zéro, désormais considéré comme un vrai membre du parti qui a
fait ses preuves par les armes et le sang ; en bref, il est
récupérable s'il affirme qu'il a commis un crime passionnel et non
un meurtre politique. Mais Hugo refuse ; il a honte : honte
d'avoir tué Hoederer sans savoir pourquoi, ou plutôt sans l'avoir
réellement décidé ; honte de se voir proposer un marché par
Olga sa protectrice de toujours. Non, Hugo n'accepte pas de ternir la
mémoire d'Hoederer : ce n'est qu'en revendiquant son meurtre
qu'il sera responsable et libre et qu'il aura enfin tué Hoederer,
dignement. Refusant la voie de la lâcheté et du silence (s'écriant
finalement : « Non récupérable ! »), Hugo a
aussi choisi la mort.
Distribution de la création
- Paula Dehelly : Olga
- André Luguet : Hoederer
- Roland Bailly : Slick
- Jacques Castelot : Le Prince
- Michel Jourdan : Ivan de la Penia
- Maïk : Frantz
- Marie-Olivier : Jessica
- Christian Marquand : Charles
- Jean Morel : Louis
- Maurice Régamey : Georges
- Jean Violette : Karsky
Distribution de 1976
Cette
version, autorisée par Sartre lui-même alors qu'il s'était
toujours refusé à le faire depuis la création de la pièce de
19481,
a été jouée auThéâtre
des Mathurins2,3.
- Yves-Marie Maurin : Hugo
- Monique Lejeune : Olga
- Paul Guers : Hoederer
- Amélie Prévost : Jessica
- Mise en scène et éléments scéniques : Patrick Dréhan
Analyse
Une œuvre à portée politique et philosophique
Sartre
met en contraste sa version du marxisme idéal
à lui, un marxisme qui d’après son avis n’a pas d’avenir sans
que n'y soit incorporé l’existentialisme.
Sans existentialisme le marxisme ne pourra pas fonctionner et Hugo en
est le représentant dans le drame. Hoederer représente
le pragmatisme matérialiste qui
a infiltré le marxisme pur et qui est en train de le déformer.
Cependant, Hoederer mène une politique qui
est applicable en collectivité,
tandis que la phénoménologie d’un
Hugo mène à un solipsisme qui
isolera l’individu de
la possibilité d’agir en responsabilité envers
le monde autour de lui. Sartre rejette les deux caractères, ce qu’il
souhaite est une solution intermédiaire : une philosophie
politique qui
unira l’humanisme et
le sens de la responsabilité d’un
Hoederer avec l’attitude non-comprometteuse, la capacité de dire
« non » d’un Hugo. La fin tragique,
qui est caractérisée par une sorte d'unisson métaphysique entre
Hugo et Hoederer (Hugo offre sa vie en honneur de la personne de
Hoederer et en même temps proteste contre la politique de ce
dernier) où ces deux personnages se fondent ensemble, marque le
désir de Sartre d’arriver à cette synthèse entre
le matérialisme et
l’idéalisme sur
le plan philosophique qui pourrait être mise en action sur le plan
politique.
Auteur
classique de la littérature
engagée,
Sartre s'interroge sur l'usage de la violence
politique dans
l'action révolutionnaire et pose la question suivante : un
révolutionnaire doit-il, au nom de l'efficacité, risquer de
compromettre un idéal ?
La
pièce illustre la désillusion face aux espoirs du communisme ternis
par la Guerre
froide et
le Stalinisme.
Cette œuvre n'a pas été bien acceptée par les partis communistes
lors de sa parution. En effet, elle montre les clivages des partis
communistes.
Cette
œuvre peut également être mise en relation avec Les
Justes d'Albert
Camus qui
se pose sensiblement la même question, à la même époque, dans un
contexte historique qui s'y prête bien.
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