dimanche 7 juillet 2013

130707 - LECTURE - William FAULKNER - Monnaie de singe



MONNAIE DE SINGE 

 WILLIAM FAULKNER

Dans le train qui les ramène dans une petite ville du sud des Etats-Unis, quelques soldats, ivres morts, reviennent au pays après 
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avoir combattu sur le front français pendant la première guerre mondiale. Ils rencontrent un soldat apathique, défiguré par une balafre. C’est Donald Mahon, lieutenant qui rentre chez lui alors que son père, un pasteur épiscopalien, le croit mort. Mrs Powers, elle-même veuve de guerre, décide de prendre soin de lui et de l’accompagner, avec le soldat Gilligan, jusque chez lui.

Le retour du héros, ou comment la guerre agit sur une poignée de personnages, dont certains n’en ont pas vu la moindre bataille mais sont imprégnés, tout entièrement tournés vers l’aura de l’héroïsme des hommes partis se battre.

Le roman est assez court (368 pages) mais nous imprègne dès les premières pages. Le style de WF est à la fois narratif (on suit les personnages, les scènes se succèdent sans temps mort, en alternant parfois les époques) et descriptif.

Ce retour du « héros », personne ne l’attendait plus. Le père de Donald, pasteur, croyait son fils mort et pleurait l’enfant disparu trop tôt. Sa fiancée, Cecily, s’accommodait finalement du décès de ce jeune homme très rapidement aimé puis parti. Cecily est une jeune femme, très jeune, obnubilée par le plaisir de plaire et de flirter. Emmy, la servante, qui a aimé le fils de famille, pleure l’amant disparu.

Le retour transforme donc la vie de ces personnages et de la petite ville : l’homme est défiguré, aveugle, ne se souvient de rien. Et voilà que cet infirme, ce fantôme de soldat, stigmatise les convoitises, les petites rancoeurs, les jalousies : Cecily est dégoûtée par le visage de Donald, aime ailleurs depuis son départ, mais ne peut se résoudre à abandonner le statut potentiel de femme de héros. La perspective de gloire qui rejaillira sur elle est plus forte que le dégoût que Donald lui inspire et les promesses qu’elle a faites à d’autres prétendants. Emmy, amoureuse silencieuse, observe et se tait en espérant que le jeune homme retrouvera la mémoire et se souviendra de leur nuit passée ensemble. Mrs Powers, elle, s’occupe fidèlement de l’infirme qui est cloîtré dans son silence.

Autour d’eux, un homme lubrique, rongé par la convoitise sexuelle (Jones), un soldat (Gilligan) ami de Donald et amoureux de Mrs Powers, un enfant irrésistiblement fasciné par le héros (Robert, le jeune frère de Cecily) ou un jeune cadet envieux de son aura, le pasteur qui refuse aveuglément d’ouvrir les yeux sur l’état de son fils, qui veut balayer par un mariage les conséquences inéluctables de la guerre. Tous ces personnages évoluent tragiquement : valse amoureuse autour de Donald (les trois femmes se disputent le droit de l’aimer et de l’épouser) ou autour de Cecily (qui suscite la convoitise des hommes et est incapable de renoncer à sa cour).

Au-delà des trios amoureux, (dont on se fiche totalement de savoir qui gagnera, quelque part, captivés par le regard que porte Faulkner sur cette société provinciale) c’est autour de Donald, personnage omniprésent et en même temps « absent » (il se complait dans le silence, attendant que la mort inévitable le délivre, Faulkner ne le fait que très peu parler) que tourne le roman : désillusions des jeunes gens revenus de la guerre, héros  brisés qui subissent une parodie de vie : comédie sociale, joutes orales, rivalités. Il y a ceux qui ont vécu la guerre, ont perdu leur innocence et ceux qui la subliment, l’idéalisent et n’en voient pas les ravages. Et cette guerre est elle-aussi omniprésente, bien que très peu de passages lui soient directement consacrés.

Le Sud après la guerre, et les âmes perdues, les unes directement abattues par les balles du front, les autres par ricochet (mais ne l’étaient elles pas déjà ?). 


Monnaie de singe, William Faulkner – GF Flammarion, 381 p



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