Georg-Philipp
TELEMANN
TROIS
SONATES
POUR
TROMPETTES, HAUTBOIS
FLUTES
A BEC ET ORCHESTRE
Concerto
en ré majeur,
pour
3 trompettes, 2 hautbois et orchestre
Concerto
en fa mineur,
pour
hautbois et orchestre à cordes
Suite
en la mineur,
pour
flûte à bec et orchestre à cordes
Arthur
Statter, Harry Peers,
Maurice
PERESS : trompettes
Theodora
SCHULZE : hautbois & flûte à bec
THE
TELEMANN SOCIETY
sous
la direction de
Richard
SCHULZE
Les
styles musicaux évoluent à des rythmes différents chez les
différents peuples. Ainsi, tandis que l'Italie avait déjà adopté
le «stile galante» rococo dans le premier tiers du XVIII°
siècle, l'Allemagne ne connut le plein épanouissement du baroque
que dans le second tiers du même siècle. La révolution, dont
MONTEVERDI avait été le premier précurseur, fut parachevée en
Italie par GABRIELI et FRESCOBALDI. En Allemagne, le baroque, avec
ses aspirations et ses techniques, fut introduit par SCHEIN, SCHÜTZ
et SCHEIDT : il atteignit son apogée un siècle plus tard, à
l'époque de BACH et de TELEMANN.
Georg-Philipp
TELEMANN (1681-1767) est sans doute le meilleur exemple qu'on puisse
donner d'un compositeur allemand de la fin du baroque. Avec encore
plus de souplesse que HAENDEL, il sut assimiler un grand nombre de
styles musicaux nationaux ou régionaux et les fondre en ce que nous
pourrions appeler le «style international» de son époque.
Nous
sommes mal fondés à dédaigner aujourd'hui un musicien dont BACH
avait soigneusement recopié les partitions pour son propre usage, à
qui BACH avait demandé d'être le parrain de son fils aîné (qui
devint l'illustre Carl-Philipp-Emmanuel). HAENDEL et TELEMANN
correspondaient aussi sur le pied d'une étroite amitié, se
communiquant tantôt leur musique tantôt leurs idées. HAENDEL
admirait grandement TELEMANN comme compositeur et comme
contrapuntiste, disant que TELEMANN pouvait écrire un motet à huit
voix aussi facilement qu'une personne ordinaire rédige une lettre.
Musicalement,
TELEMANN s'était instruit presque seul. En 1700 il fut envoyé à
l'université de Leipzig pour y étudier les langues et les sciences,
mais sa compétence musicale était déjà si affirmée qu'il put y
fonder un collège musical, écrire des opéras pour le théâtre et
prendre le poste d'organiste à la Neuekirche en 1704. La même
année, il devint, à Sorau, maître de chapelle du comte de PROMNITZ
et, en 1708, directeur de la musique. De 1712 à 1721, il dirigea une
société musicale au palais de Frauenstein, à
Francfort-sur-le-Main, et la chapelle du margrave de Bayreuth. En
1721, il fut nommé cantor du Johanneum et directeur de la musique
dans les cinq principales églises de Hambourg ; c'est à ces postes
qu'il consacra les quarante-six dernières énnées de sa vie et
c'est généralement à Hambourg que nous associons son souvenir.
Mais il fit de nombreux voyages, notamment à Berlin – où il subit
le courant de musique polonaise qui affluait de l'Est – et à Paris
(en 1737) où il assimila une bonne partie du style français à) la
mode.
Le
catalogue de ses œuvres comporte 40 opéras, 12 série de cantates
et de motets pour le service liturgique de l'année (quelques 3000
numéros), 12 services funèbres, plus de 600 ouvertures (suites
d'orchestres) et un grand nombre de concertos, sérénades, quatuors,
sonates et œuvres instrumentales diverses. Il est piquant de
constater que notre siècle l'a jugé sans avoir pu entendre aucun de
ses grands ouvrages.
Suite
en la mineur,
pour
flûte à bec et orchestre à cordes
Cette
suite est l'une des plus belles œuvres de TELEMANN et à juste titre
l'une des plus connues ; le manuscrit en était oublié dans la
Bibliothèque de l'Etat de Hesse, à Darmstadt ; en 1936, le Dr Horst
BÜTTNER le tira de l'ombre, l'édita et le fit connaître.Il date
sans soute de l'époque 1712-1721, comme la plupart des manuscrits de
TELEMANN contenus dans cette bibliothèque. TELEMANN écrivit cette
suite pour la flûte à bec et, pour la première fois, on peut
l'entendre dans cet enregistrement avec une flûte à bec alto.
L'œuvre
est en 7 mouvements : Ouverture, Les Plaisirs, Air à l'italienne,
Menuets I et II, Réjouissance, Passepieds I et II, Polonaise. On ne
peut s'empêcher de penser ici à la «Suite en si mineur» de BACH,
également écrite pour flûte et cordes. Les deux suites sont
d'esprit très semblable. BACH a fait suivre son Ouverture des danses
usuelles, Rondeau, Sarabande, Bourrée, Polonaise, Badinerie, suivant
un programme qui était courant au XVIII° siècle en Allemagne et
qui permettait à la suite d'absorber aisément des éléments
musicaux d'origine italienne, française ou polonaise. Ici TELEMANN
ne souffre pas d'un rapprochement avec BACH, dont l'œuvre est plus
familière, sa partie de flûte met aussi joliment l'instrument en
valeur, son écriture polyphonique et contrapuntique ne montre pas
moins de ressources et d'inventions.
Concerto
en fa mineur,
pour
hautbois et orchestre à cordes
Si
l'origine de cette œuvre reste inconnue, l'authenticité du
manuscrit est hors de question. Il fut découvert et publié par
Fritz STEIN en 1932. La coupe est classique, en trois mouvements :
Allegro, Sicilienne, Vivace. Le premier mouvement est bâti sur un
large thème, exosé par les cordes et qui sera traité en style
serré. Le hautbois ne reprend jamais le sujet principal tel quel,
mais en tire une succession de variations mélodiques tandis que les
cordes continuent de développer ce sujet plus classiquement. Le
second mouvement, largo e piano, est à 6/8 en rythme pointé ; la
mélodie est confiée au hautbois, soutenu par des gammes
descendantes des cordes. Le langage harmonique est simple ; l'effet
produit, tendre et élégant, rappelle l' «air tendre» du style
français, montrant une fois de plus à quel point TELEMANN pouvait
assimiler les divers styles nationaux. Une courte cadence conduit –
sans interruption – au troisième mouvement, un Vivace animé à ¾
construit sur deux sujets simples et auquel de nombreuses
doubles-croches piquées donnent une touche d'humour très fin.
Concerto
en ré majeur,
pour
3 trompettes, 2 hautbois et orchestre
c'est
un concerto brillant et assez extérieur, tout plein de «joie de
vivre». Les trois trompettes et les deux hautbois sont renforcées
par des timbales. L'oeuvre date probablement ds années 1730 et fut
écrite à Hambourg en même temps que d'autres concertos pour
trompette solo. Elle comporte trois mouvements : Intrada-Allegro,
Laro, Vivace.
L'Intrada
est une introduction pleine de vie jouée par les cinq instruments
solistes et l'ensemble entier des cordes ; Un large emploi est fait
d'un rythme pointé et les solistes rivalisent à l'envi dans le
traitement en imitation de diverses sections de la mélodie. Quatre
mesures dans le ton de la dominante, notées Grave, conduisent à un
Allegro, l'essentiel du mouvement. Ici l'intérêt concertant repose
essentiellement sur les deux hautbois, qui se jouent l'un et l'autre
à travers une série de dessins complexes et richement ornés. Les
trompettes et les timbales interviennent peu jusqu'à la coda.
Le
second mouvement est confié au premier hautbois sur accompagnement
des cordes. Ce hautbois détaille une mélodie lente aux notes
soutenues, d'un caractère prenant et plaintif, dans le style de
l'arioso italien.
Le
finale revient au brillant et à l'exubérance du premier mouvement.
Les trois parties de trompettes sont particulièrement chargées et
difficiles, comme aussi celles des hautbois. Le mouvement se
développe avec gaité et avec fougue, à partir de deux thèmes
principaux de caractère aussi énigmatique que mélodique. Le coda
fait appel à toute la puissance des solistes et du tutti, amenant
l'ensemble à une conclusion sonore et triomphale.
De
William B. OBER
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