C'est avec détermination, avec obstination
même, que J.M.G. Le Clézio se tient loin du champ de la théorie
littéraire. Ecrire comme on marche, comme on respire, comme on vit -
naturellement, spontanément, sans paraître y réfléchir. Dans l'« A peu
près apologue » qui vient conclure cet étonnant recueil de nouvelles, au
ton et à la couleur changeants, l'écrivain ébauche pourtant, à sa
façon, avec un mélange indéfinissable de conviction et de malice, une
sorte de ligne de conduite, à travers un autoportrait de l'écrivain « en chasseur aventureux » - celui qui entre dans la forêt sans arme perfectionnée ni rabatteur, guidé par l'instinct, et «
ne sachant pas exactement ce qu'il cherche, il se laisse entraîner par
le hasard et il lui arrive de trouver une surprise inappréciable ». Inappréciable,
effectivement, inattendue, intense et très belle, la plongée dans le
métro qui s'ensuit, au côté de l'écrivain, dont le regard minutieux
capte, autour de lui, les visages « figés, immobiles, parfois
terreux, on dirait des masques de carton bouilli ou de vieux cuir, avec
deux fentes par où bouge le regard, une étoile de vie accrochée au noir
des prunelles ».
Avant cet épilogue, les neuf « fantaisies » ici rassemblées auront
fait voyager le lecteur en d'autres compagnies, sous d'autres ciels. A
Paris, en Afrique, à Lanzarote, sur l'île de Gorée ou à Maurice, et
parfois en des lieux plus lointains, plus étranges, plus insaisissables
: disons, quelque part entre le réel le plus concret, sensuel ou
trivial, et le rêve, fût-il âpre et sombre. Il est là, vaste et mouvant,
tendre et violent, politique et poétique, le territoire sans contours
où chasse, au hasard, à l'instinct, cet aventurier, cet homme en
mouvement nommé J.M.G. Le Clézio (1) .
Nathalie Crom
Telerama n° 3224 - 29 octobre 2011
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