4 - COUP DE LUNE
Parti plein d'enthousiasme pour les colonies, Joseph Timar ressent, dès
son arrivée au Gabon, un malaise indéfinissable qui n'est pas seulement
dû à la moiteur accablante du climat. Il s'est installé dans l'unique
hôtel européen du port de Libreville, tenu par les Renaud et, dès le
premier jour, la plantureuse patronne Adèle, dont le mari agonise
lentement, s'est offerte à lui.
Entre la sensualité et le remords, le jeune homme ressent le trouble et
le déséquilibre de ce milieu inconnu.
Le lendemain, un meurtre a été commis : la victime est un boy contre
lequel la patronne s'est emportée l'autre soir. Timar l'a même entrevue,
courant dans la nuit à sa poursuite. Mais les Blancs, ici,
s'enorgueillissent des sévices qu'ils infligent aux Noirs et sont
solidaires entre eux : « On trouvera bien un coupable », a déclaré le
Procureur...
Entre-temps, le mari d'Adèle est mort, et celle-ci, après avoir averti
son amant que la factorerie qu'il doit rejoindre est au bord de la
faillite, le persuade d'utiliser l'appui d'un oncle influent pour
obtenir une concession en forêt. Elle a tout prévu et le contrat est
bientôt signé. Ils vont pouvoir s'installer ensemble, après un
interminable voyage à travers une nature que Joseph Timar devine
oppressante, hostile. Malgré les caresses d'Adèle, il se sent de plus en
plus gagné par un vide affreux et par le sentiment d'une gigantesque
absurdité. Lorsque Adèle le quitte pour aller témoigner au procès du
jeune Noir accusé du meurtre de son boy, Joseph se lance sur ses traces,
décidé à dénoncer devant le tribunal l'énorme imposture à laquelle il a
assisté. Ne sachant ce qui le pousse à agir ainsi, il se sent la proie
d'un cauchemar. C'est pourtant la vérité qu'il crie à la face des juges
avant de sombrer dans la démence, victime du « coup de lune », et de
répéter, comme un halluciné, sur le paquebot qui le ramène en Europe : «
Ça n'existe pas, ça n'existe pas ! » |
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