lundi 9 janvier 2012

120109 - FILM TV - Scandaleusement célèbre

LA CRITIQUE TV DE TELERAMA DU 07/01/2012TT 

Genre : écrivain monstre.


Ce film raconte exactement la même chose que Truman Capote, réalisé par Bennett Miller, avec Philip Seymour Hoffman : comment, parti au Kansas en 1959 pour écrire un article sur le massacre d'une famille de fermiers, l'écrivain new-yorkais trouva matière à De sang-froid, un livre qui allait asseoir sa célébrité, mais dont l'écriture resterait une expérience traumatisante. Le film de Bennett Miller était stylé, mais au prix d'une certaine raideur. La mise en scène de Scandaleusement célèbre est parfois plus brouillonne, mais plus en prise avec la vie, comme l'interprétation de Toby Jones, qui fait de Capote une sorte d'incroyable contorsionniste, un crâneur coquet, un fourbe sympathique et aussi un terrible vautour.
Frivolité, féminité, volonté de fer, orgueil de coq et mâle assurance, les contrastes sont en place pour aborder ce qui va être la vraie réussite du film : le face-à-face de Capote avec un des deux hommes arrêtés pour le meurtre des fermiers, Perry Smith. Douglas McGrath décrit avec franchise le climat de la prison où les codétenus voient d'emblée Capote comme une petite chose frémissant de fantasmes. Mais le brûlant désir de cet enquêteur excentrique, c'est d'arracher une confession au coupable. Sur la nuit du carnage, sur le rôle étrange de Perry Smith, le récit est plus détaillé, plus nuancé que dans Truman Capote, et il gagne en trouble, en profondeur.
De même, la stratégie de l'écrivain apparaît ici plus risquée : pilleur de secrets, il voit le meurtrier lui faire, dans la violence, le cadeau empoisonné de souvenirs intimes, douloureux, qu'il doit accepter de porter à son tour, comme une croix.
Le film va au bout de l'ambiguïté du jeu de miroirs : pour raconter Perry Smith, qui a écrit son histoire avec un flingue, Capote était condamné à se servir d'un stylo à double tranchant.
Frédéric Strauss




LA CRITIQUE LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 04/04/20072 

Un an après Truman Capote, réalisé par Bennett Miller, on retrouve Truman Capote dans ce film qui raconte exactement la même chose : comment, parti au Kansas en 1959 pour écrire un article sur le massacre d'une famille de fermiers, l'écrivain new-yorkais trouva matière à De sang-froid, un livre qui allait asseoir pour toujours sa célébrité, mais dont l'écriture resterait une expérience à jamais traumatisante. On pourrait s'interroger sur les raisons de cet engouement pour Capote. Est-ce le mélange inédit qu'il représente entre univers people, exigence littéraire et, ici, parfum de sang et de désir ? Le personnage est en tout cas assez riche pour avoir inspiré deux films finalement très différents. Celui de Bennett Miller était stylé, mais au prix d'une certaine raideur, comme l'interprétation oscarisée de Philip Seymour Hoffman. La mise en scène de Scandaleusement célèbre est parfois plus brouillonne, mais plus en prise avec la vie, comme l'interprétation de Toby Jones, qui fait de Capote une sorte d'incroyable contorsionniste, pas seulement parce qu'il remue des fesses comme une folle tordue, mais parce que la légèreté et le malheur sont, en lui, inextricablement noués. Le réalisateur Douglas McGrath brosse de lui un portrait par petites touches, qui le montre en commère mondaine, en crâneur racontant avec coquetterie les frasques du Tout-Hollywood pour épater le Kansas profond, en fourbe sympathique et aussi en terrible vautour, avide de tout savoir au plus vite sur le massacre qu'il a l'intention de raconter, et se fichant de tout le reste, notamment que les gens l'appellent Madame quand il leur pose des questions dans les rues. Frivolité, féminité, volonté de fer, orgueil de coq et mâle assurance, les contrastes sont en place pour aborder ce qui va être la vraie réussite du film : le face-à-face de Capote avec un des deux hommes arrêtés pour le meurtre des fermiers, Perry Smith (interprété par Daniel Craig). Douglas McGrath décrit avec franchise le climat de la prison où les codétenus de Perry Smith voient d'emblée Capote comme une petite chose frémissant de fantasmes dans ce ramassis de frustrations sexuelles masculines. Mais le brûlant désir de cet enquêteur excentrique, c'est d'arracher une confession au coupable. Là aussi, le film se montre plus audacieux que celui de l'an dernier : sur la nuit du carnage, sur le rôle étrange de Perry Smith, le récit est plus détaillé, plus nuancé, et gagne en trouble, en profondeur. De même, la stratégie de l'écrivain apparaît ici plus incertaine et clairement plus risquée : pilleur de secrets, il voit le meurtrier lui faire, dans la violence, le cadeau empoisonné de souvenirs intimes, douloureux, qu'il doit accepter de porter à son tour, comme une croix. Douglas McGrath montre quel piège devient ce transfert, ce trafic de sentiments qu'aucun des deux hommes ne maîtrise. Car la sensibilité de Capote est aussi complexe, aussi torturée que celle de Perry Smith. La malédiction du livre en train de s'écrire s'éclaire alors pleinement, comme sa force : une rencontre où tout se mêle, le calcul et l'intérêt de part et d'autre, la fascination et la souffrance mutuelles, dans une confusion des rôles vertigineuse. Le film va au bout de l'ambiguïté du jeu de miroirs : pour raconter Perry Smith, qui a écrit son histoire avec un flingue, Capote était condamné à se servir d'un stylo à double tranchant. 

Frédéric Strauss

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