vendredi 20 janvier 2012

120120 - FILM TV - JAPON


  • Date de sortie
    (2h 02min)
  • Réalisé par
  • Avec
  • Genre
  • Nationalité

    Synopsis et détails


    Un homme de la ville, cynique et désillusionné, se rend au fin fond du Mexique pour se préparer à la mort. Il trouve à se loger chez une vieille métisse habitant seule un canyon désolé. Plongé dans l'immensité de la nature vertigineuse et sauvage, confronté à l'humanité infinie de sa logeuse, l'homme oscille entre cruauté et lyrisme. Il voit se réveiller en lui l'ivresse des sens, son désir de vie et de sexualité crue.
     

LA CRITIQUE LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 15/01/2003 (TELERAMA)

2 Notre monde gronde, erre, souffre... Et ça ne va pas mieux en le disant, car, à agiter ce genre d'idée, on tombe vite dans les clichés. Ou alors, il faut savoir s'élever et regarder le monde avec ampleur. Carlos Reygadas a ce talent. Son film commence sur le périphérique de Mexico, et déjà ce paysage urbain ingrat suggère des sentiments qui n'ont rien de banal. Une peur, un désespoir existentiels. Quand le décor devient celui d'une vallée perdue au coeur des montagnes, on pourrait se croire à l'aube ou au crépuscule de l'humanité. Les images de Japón ont du souffle. Elles traquent le sens de la vie, sa valeur secrète. Comme les personnages mystérieux et attachants, interprétés par des non-professionnels dont les visages portent l'empreinte des épreuves du temps. Un homme est venu jusque dans cette vallée pour mourir d'une mort réfléchie, soutenue par une forme de sagesse, comme le seppuku des Japonais. Là, il rencontre des paysans démunis qui se soûlent pour s'inventer une joie de vivre. Entre eux, rien ne semble pouvoir être partagé. Mais Carlos Reygadas s'attache pourtant à les réunir. Il observe la réalité la plus concrète, la plus viscérale et il explore en même temps un monde pas du tout terre à terre, fait d'idées souvent noires et de souffrance moins physique que métaphysique. Cet étonnant désir de tout brasser, de tout embrasser, culmine dans la relation qu'engage l'homme avec une vieille femme nommée Ascen. Ils sont comme le jour et la nuit. Lui sombre, ombrageux, et elle tournée vers la lumière des images pieuses et un peu kitsch dont elle s'entoure. Mais l'inimaginable se produit : le jour et la nuit s'accouplent. C'est violent, dérangeant et terriblement concret, avec des détails n'éludant pas même la question de la souplesse d'un corps âgé. Mais c'est aussi étrangement beau, bouleversant et poétique. Comme si la nuit et le jour s'accouplaient vraiment, faisant trembler le monde entre stupeur et éblouissement. Ce qui retentira sur le destin de chacun d'eux. Carlos Reygadas ne manque pas d'audace, et son ambition de cinéaste est résolument immense. Nourrie par des références de poids (aux films de Tarkovski ou de Sokourov, entre autres), elle pourrait devenir écrasante. Mais l'impertinence de la jeunesse l'accompagne : Japón est un premier film réalisé sans moyens, avec l'énergie des risque-tout et le perfectionnisme esthétique des passionnés. Cette vision du chaos du monde est lucide, grave et profonde. Il faut heureusement ajouter qu'elle est vive, affective et ne prétend pas asséner un message ni se résoudre à une signification unique. Le titre à la fois énigmatique et élégant donne le ton.
Frédéric Strauss

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