Texte philosophique du IV° siècle avant Jésus-Christ, écrit par Platon.
LE BANQUET :
Un groupe de philosophes athéniens se réunit chez Agathon pour un banquet. En dehors de l'hôte, il y a Socrate, Eryximaque, Pausanias, Phèdre et Aristodème. Pour s'occuper, ils décident de parler d'amour. À tour de rôle, chacun se lève et fait un discours en éloge à Eros, c'est-à-dire en éloge à l'amour. Socrate fait le sien en se référant à une femme, Diotime de Mantinée. Arrive alors Alcibiade, complètement ivre. Voulant participer, il fait un discours sur Socrate qui est une longue déclaration d'amour. La fête prend fin et les convives se séparent.
L'AUTEUR :
Et si Platon était le plus grand écrivain de tous les temps ? La question peut faire sursauter. Parce que cet homme a été catalogué « grand philosophe », et point. Ce qui signifie qu'on peut et qu'on doit s'extasier sur la profondeur de ses réflexions, mais que personne ne nous encourage à aller plus loin. Or, il faut aller plus loin. Celui qui se décide (enfin) à ouvrir un livre de Platon découvre, émerveillé, un écrivain colossal. Un auteur avec un style admirable, qui fait couler les phrases avec facilité, qui captive par ses dialogues, qui fascine et qui intrigue. Cela était-il dérangeant au point de le passer sous silence ? Il semble que oui. Peut-être avait-on peur que cela atténue la portée du message philosophique. Ecrivain ou philosophe, il faut choisir. Pourtant, Platon n'a pas choisi : non content de porter la philosophie à un niveau exceptionnel, il a aussi été un écrivain meilleur que Saint-Augustin, que Montaigne, que Cervantès, que Dante. Et peut-être meilleur que Shakespeare, Molière, Chateaubriand ou Hugo. En ouvrant Platon, on peut oublier la philosophie pour ne retenir que le plaisir de lire un texte fabuleux, une de ces proses qu'on peut parcourir toute sa vie sans jamais se lasser. C'est un écrivain qui rend fier de lire. Le plus grand écrivain de tous les temps ? C'est bien possible.
LE TEXTE :
Un des plus grands livres de l'humanité raconte une beuverie entre homosexuels ivres. Incroyable paradoxe. En fait, cet ouvrage contient tout ce que ne contiennent pas les oeuvres actuelles : glorification de l'homosexualité, apologie de l'alcoolisme, justification de tous les excès. On s'attend à trouver des philosophes et on tombe sur des ivrognes braillards. Sans arrêt, on se pose la même question : qui oserait écrire, éditer ou distribuer un livre pareil de nos jours ? Certainement personne. Qu'il soit devenu un classique mondial donne une idée du génie de Platon. Alors, de quoi s'agit-il ? Des hommes se réunissent pour un banquet. Ils boivent et ils font des discours. Ils boivent, c'est-à-dire qu'ils jouent à qui boira le plus. On compare les quantités ingurgitées et celui qui en a absorbé le plus a droit à l'admiration générale. On a même le hoquet en pleine dissertation philosophique. Ils font des discours, c'est-à-dire qu'ils parlent d'amour. Il s'agit naturellement de l'amour homosexuel. Est-ce à dire que cela est banalisé ? Pas vraiment : plusieurs phrases font comprendre que la société athénienne ne l'acceptait pas, et qu'elle pouvait être aussi homophobe que la nôtre. Chacun donne son point de vue sur le sujet, plus ou moins pertinent, plus ou moins compétent. Comme à l'accoutumée, c'est Socrate qui se montrera le plus habile. D'ailleurs, il emploiera la ruse imparable : mettre son raisonnement dans la bouche d'une femme, la sage et érudite Diotime de Mantinée (laquelle a eu le tact de ne pas être présente). L'arrivée inattendue d'Alcibiade (dans un état d'ébriété inquiétant) fera sortir la discussion de la pièce pour la centrer essentiellement sur Socrate et les relations qu'il entretient avec ses élèves. Récits d'échanges entre ivrognes, « Le Banquet » est pourtant bien un livre de philosophie : les discours rapportés, mine de rien, sont autant de leçons magistrales. C'est aussi un documentaire passionnant sur l'Athènes antique : on apprend comment on fait un banquet, comment on se tient à table, comment on fait venir une joueuse de flûte pour distraire les convives. On nous donne quantité de détails sur la vie quotidienne, sur les faits et gestes des soldats. On découvre une société où les exercices physiques sont considérés à l'égal des activités intellectuelles. « Le Banquet » est un chef-d'oeuvre, une merveille, un texte appartenant à la mémoire de l'humanité entière, à lire et à relire. Chaque phrase est un mini-traité de philosophie. Et c'est l'oeuvre de Platon. Le plus grand écrivain de tous les temps ? C'est bien possible.
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