Domenico
SCARLATTI
HUIT
SONATES
POUR
CLACEVIN
Sonate
en si bémol majeur, L. 498
Sonate
en ut mineur, L. 406
Sonate
en ut mineur, L. 456
Sonate
en ré mineur, L. 106
Sonate
en ré majeur, L. 161
Sonate
en sol mineur, L. 249
Sonate
en ut majeur, L. 401
Sonate
en fa majeur, L. 198
Fernando
Valentini, clavecin
Domenico
SCARLATTI et Georg-Friedrich HAENDEL sont nés en 1685, à huit mois
d'intervalle. En 1709, ayant à peine achevé leurs études,
SCARLATTI et HAENDEL se rencontrèrent à Rome, rencontre devant un
clavier sous forme de joute musicale et sous l'égide du Cardinal
OTTOBONI. La lutte fut serrée, mais les deux jeunes artistes ne
furent point départagés : l'Italien était consacré premier
claveciniste, tandis que l'Allemand enlevait la palme d'organiste. Et
on raconte qu'en souvenir de ce duel mémorable, Domenico SCARLATTI
ne put jamais entendre le nom de son rival sans faire le signe de
croix.
Donc,
Domenico SCARLATTI qui avait commencé sa carrière, comme son père,
par écrire quelques opéras, était dès sa jeunesse un prodigieux
claveciniste. Ses contemporains ont sans doute davantage apprécié
l'exécutant et l'improvisateur, que le compositeur. Franz LISZT fut
un des premiers à découvrir la richesse et la variété de la
production pour clavecin de SCARLATTI ; aujourd'hui, cette production
est admise par les mélomanes comme un des grands moments de la
littérature musicale.
Déjà,
l'étendue de cette production est stupéfiante : 555 Sonates
publiées, et le claveciniste Rarl KIRKPATRICK fait remarquer, dans
son ouvrage sur SCARLATTI, que, pour une sonate écrite, des
douzaines ne passèrent pas le cap de l'improvisation. Parmi ces 555
Sonates, une infime proportion – une trentaine seulement – fut
publiée pendant la vie du compositeur sous le titre très modeste d'
»Exercice pour clavecin … composés par Domenico SCARLATTI,
maître de clavecin du Prince des Asturies ». En tête du
recueil, un avertissement signé SCARLATTI indiquait le sens de son
travail : »Lecteur, ne t'attends pas – que tu sois dilettante
ou professeur – à trouver, dans ces compositions, d'intention
profonde, mais plutôt un ingénieux badinage de l'art, pour
t'exercer au jeu hardi sur le clavecin … ».
Mais
ces « Essercizi per gravicembalo », à la manière des
Etudes de CHOPIN et de DEBUSSY, Ni « Etudes », ni «
Sonates », ni « Préludes », ces pièces sont
rebelles à une analyse formelle et les musicologues ont dû convenir
qu'elles exprimaient d'abord l'originalité du génie de SCARLATTI.
Génie
de l'architecture, génie de l'harmonie (à tel point que les
éditeurs du siècle dernier ont « corrigé » des accords
jugés trop audacieux !). Domenico SCARLATTI fut aussi, et d'abord,
le grand maître d'un instrument auquel il conféra une admirable
indépendance.
En
effet, le premier titre de gloire de SCARLATTI est d'avoir achevé
l'émancipation d'un instrument qui essayait, depuis plusieurs
dizaines d'années, d'échapper aux mains des organistes. La tâche
avait été entreprise en Italie par FRESCOBALDI et poursuivie par
Bernardo PASQUINI, tandis qu'en France les premières pièces pour le
clavecin (celles de CHAMBONNIERES) étaient éditées en 1670. Mais
FRESCOBALDI était encore un organiste ; quant aux Français, ils
n'influencèrent pas Domenico SCARLATTI dont l'oeuvre nous fascine
par la suprême liberté d'une écriture spécifiquement
clavecinistique, écriture extrêmement audacieuse et exigeant des
interprètes des doigts prodigieusement habiles : les bonds, les
croisements des mains, les notes répétées sur tempo rapide sont
d'usage courant chez SCARLATTI ; mais, ainsi que le souligne Louis
AGUETTANT, « cette virtuosité n'est pas froide, elle n'est que
l'expression musicale d'une vitalité intense. SCARLATTI possède au
plus haut degré la verve sous deux formes : l'abondance –
jaillissement impétueux des idées – et la gaieté, toute
spontanée, volcanique, napolitaine. Cet art est d'une santé qui
nous enchante. » On ajoutera que cet art d'équilibre et de
santé est aussi l'annonciateur, par son sens du dynamisme, d'une
esthétique musicale romantique.
Cela
dit, l'audition convaincra mieux qu'une analyse musicologique. Plutôt
que de disséquer chacune des huit sonates enregistrées ici par le
claveciniste hispano-américain Fernando VALENTI, nous nous bornerons
à souligner quelques particularités intéressantes :
- l'utilisation du bithématisme dans la Sonate Longo 498 ;
- la très curieuse imitation d'un orchestre à cordes de VIVALDI dans la Sonate Longo 406, car SCARLATTI était un maître caricaturiste !
- L'importance de la ligen mélodique dans la Sonate Longo 106, ce qui indiquerait, selon Fenando VALENTI, que cette pièce était primitivement destinée à une fl^te ou ou à un violon avec accompagnement d'un clavecin ;
- ou encore, la virtuosité d'écriture très caractéristique de la Sonate Longo 249.
Mais
quelques descriptions ne donnent qu'une faible image de l'ampleur
d'une œuvre. Les mélomanes du XX° siècle, parmi leurs admirations
italiennes, paraissent enfin avoir placé Domenico SCARLATTI à sa
juste place, la place de celui qui fut surnommé « le coryphée
des clavecinistes italiens » ou le « LISZT du clavecin
».
Claude
SAMUEL
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