jeudi 27 juin 2013

130627 - ECOUTE - Domenico SCARLATTI - Huit sonates pour le clavecin


Domenico SCARLATTI







HUIT SONATES
POUR CLACEVIN


Sonate en si bémol majeur, L. 498
Sonate en ut mineur, L. 406
Sonate en ut mineur, L. 456
Sonate en ré mineur, L. 106
Sonate en ré majeur, L. 161
Sonate en sol mineur, L. 249
Sonate en ut majeur, L. 401
Sonate en fa majeur, L. 198



Fernando Valentini, clavecin




Domenico SCARLATTI et Georg-Friedrich HAENDEL sont nés en 1685, à huit mois d'intervalle. En 1709, ayant à peine achevé leurs études, SCARLATTI et HAENDEL se rencontrèrent à Rome, rencontre devant un clavier sous forme de joute musicale et sous l'égide du Cardinal OTTOBONI. La lutte fut serrée, mais les deux jeunes artistes ne furent point départagés : l'Italien était consacré premier claveciniste, tandis que l'Allemand enlevait la palme d'organiste. Et on raconte qu'en souvenir de ce duel mémorable, Domenico SCARLATTI ne put jamais entendre le nom de son rival sans faire le signe de croix.

Donc, Domenico SCARLATTI qui avait commencé sa carrière, comme son père, par écrire quelques opéras, était dès sa jeunesse un prodigieux claveciniste. Ses contemporains ont sans doute davantage apprécié l'exécutant et l'improvisateur, que le compositeur. Franz LISZT fut un des premiers à découvrir la richesse et la variété de la production pour clavecin de SCARLATTI ; aujourd'hui, cette production est admise par les mélomanes comme un des grands moments de la littérature musicale.

Déjà, l'étendue de cette production est stupéfiante : 555 Sonates publiées, et le claveciniste Rarl KIRKPATRICK fait remarquer, dans son ouvrage sur SCARLATTI, que, pour une sonate écrite, des douzaines ne passèrent pas le cap de l'improvisation. Parmi ces 555 Sonates, une infime proportion – une trentaine seulement – fut publiée pendant la vie du compositeur sous le titre très modeste d' »Exercice pour clavecin … composés par Domenico SCARLATTI, maître de clavecin du Prince des Asturies ». En tête du recueil, un avertissement signé SCARLATTI indiquait le sens de son travail : »Lecteur, ne t'attends pas – que tu sois dilettante ou professeur – à trouver, dans ces compositions, d'intention profonde, mais plutôt un ingénieux badinage de l'art, pour t'exercer au jeu hardi sur le clavecin … ».

Mais ces « Essercizi per gravicembalo », à la manière des Etudes de CHOPIN et de DEBUSSY, Ni « Etudes », ni « Sonates », ni « Préludes », ces pièces sont rebelles à une analyse formelle et les musicologues ont dû convenir qu'elles exprimaient d'abord l'originalité du génie de SCARLATTI.

Génie de l'architecture, génie de l'harmonie (à tel point que les éditeurs du siècle dernier ont « corrigé » des accords jugés trop audacieux !). Domenico SCARLATTI fut aussi, et d'abord, le grand maître d'un instrument auquel il conféra une admirable indépendance.

En effet, le premier titre de gloire de SCARLATTI est d'avoir achevé l'émancipation d'un instrument qui essayait, depuis plusieurs dizaines d'années, d'échapper aux mains des organistes. La tâche avait été entreprise en Italie par FRESCOBALDI et poursuivie par Bernardo PASQUINI, tandis qu'en France les premières pièces pour le clavecin (celles de CHAMBONNIERES) étaient éditées en 1670. Mais FRESCOBALDI était encore un organiste ; quant aux Français, ils n'influencèrent pas Domenico SCARLATTI dont l'oeuvre nous fascine par la suprême liberté d'une écriture spécifiquement clavecinistique, écriture extrêmement audacieuse et exigeant des interprètes des doigts prodigieusement habiles : les bonds, les croisements des mains, les notes répétées sur tempo rapide sont d'usage courant chez SCARLATTI ; mais, ainsi que le souligne Louis AGUETTANT, « cette virtuosité n'est pas froide, elle n'est que l'expression musicale d'une vitalité intense. SCARLATTI possède au plus haut degré la verve sous deux formes : l'abondance – jaillissement impétueux des idées – et la gaieté, toute spontanée, volcanique, napolitaine. Cet art est d'une santé qui nous enchante. » On ajoutera que cet art d'équilibre et de santé est aussi l'annonciateur, par son sens du dynamisme, d'une esthétique musicale romantique.

Cela dit, l'audition convaincra mieux qu'une analyse musicologique. Plutôt que de disséquer chacune des huit sonates enregistrées ici par le claveciniste hispano-américain Fernando VALENTI, nous nous bornerons à souligner quelques particularités intéressantes :
  • l'utilisation du bithématisme dans la Sonate Longo 498 ;
  • la très curieuse imitation d'un orchestre à cordes de VIVALDI dans la Sonate Longo 406, car SCARLATTI était un maître caricaturiste !
  • L'importance de la ligen mélodique dans la Sonate Longo 106, ce qui indiquerait, selon Fenando VALENTI, que cette pièce était primitivement destinée à une fl^te ou ou à un violon avec accompagnement d'un clavecin ;
  • ou encore, la virtuosité d'écriture très caractéristique de la Sonate Longo 249.

Mais quelques descriptions ne donnent qu'une faible image de l'ampleur d'une œuvre. Les mélomanes du XX° siècle, parmi leurs admirations italiennes, paraissent enfin avoir placé Domenico SCARLATTI à sa juste place, la place de celui qui fut surnommé « le coryphée des clavecinistes italiens » ou le « LISZT du clavecin ».


Claude SAMUEL

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