1
– Gnome
Sur
un rythme boiteux, nous découvrons ce vilain nain à l'allure
grotesque, se balançant gauchement sur ses membres difformes.
2
– Il Vecchio Castello
Le
chant d'un troubadour devant un vieux château. Sérénade nocturne
pleine d'amour et de tendresse, où les mots semblent se répéter
sans fin. Mais pourquoi cette tristesse presque lugubre, ces soupirs,
ces larmes et cette indication de Moussorgsky « con dolore » ?
Peut-être est-ce là vraiment l'amour tel que nous l'apprend
Stendhal : »c'est quand je le vois triste que je dis d'un
homme qu'il commence à aimer ».
3
– Tuileries
Jeux
et disputes d'enfants dans le célèbre jardin parisien, si français
dans son écriture musicale que Ravel dira « se reconnaître en
cette musique comme en un miroir ».
4
– Bydlo
Lourd
chariot polonais, monté sur d'énormes roues et tiré par des bœufs.
5
– Ballet des poussins dans leur coquille
Maquette
de Hartmann pour le décor d'un ballet : Tribly.
6
– Samuel Goldenberg et Schmuyle
L'humour
déjà présent dans la précédente pièce paraît être poussé à
l'extrême dans cette caricature : c'est la querelle de deux
marchands juifs, l'un riche, gras et imposant, l'autre misérable,
famélique et bavard, dont la défaite est certaine.
7
– Le marché de Limoges
Les
commères discutent âprement, en s'amplifiant jusqu'à la bagarre.
8
– Catacombes
Ce
dessin représente Hartmann dans les catacombes de Paris, à la
lumière d'une lanterne. L'andante central, construit sur le thème
de la Promenade : « Con mortis in in ligua mortua »
(avec les morts dans le langage des morts) semble nous entraîner
vers un sombre au-delà.
9
– Baba Yaga ou la cabane sur pattes de poule
Une
horloge ayant la forme de la cabane de la légendaire sorcière Baba
Yaga et montée sur des pattes de poule nous entraîne dans sa
terrible course ; L'épisode central traduit la mystérieuse
atmosphère de l'épais sous-bois où se trouve la cabane, d'où elle
resurgit d'un rythme satanique.
10
– La grande porte de Kiev
Projet
de Hartmann pour la construction - jamais réalisé – d'une porte
d'entrée monumentale destinée à cette ville. Pièce majestueuse où
le carillonnement des cloches – comme dans Boris – révèle une
âme spécifiquement russe qui conclut dans une grandeur rarement
égalée l'une des œuvres les plus imposantes jamais confiées au
piano.
Alain
BALAGEAS, piano
En
juillet 1873, Moussorgsky eut la douleur de perdre un de ses plus
chers amis, le peintre Victor Hartmann. Aussi, l'année suivante,
quand les œuvres de celui-ci furent exposées à Saint-Petersbourg,
le compositeur voulut prolonger cet hommage par une véritable
transcription sonore des oeuvres picturales. Ainsi naquirent, le 22
juin 1874, les Tableaux d'une Exposition.
Reliées
entre elles par des Promenades, sortes d'interludes où
Moussorsky traduit ses propres sentiments, dix peintures musicales se
succèdent. Après la cocasserie de Gnomus, voici la sérénade
du Vecchio Castello et la poésie miroitante de Tuileries.
La mélancolie burlesque de Bydlo prépare le ballet fantasque
des Poussins dans leur coquille et les scènes comiques de
Goldenberg et Schmuyle, étonnante caricature musicale que
prolonge le savoureux Marché de Limoges. Enfin, au mysticisme
angoissé de Catacombe, succède le scherzo diabolique de Baba
Yaga et, admirable apothéose, la grandiose évocation de la
Grande Porte de Kiev.
Oeuvre
d'une difficulté technique presque insurmontable, les Tableaux d'une
Exposition sont une véritable somme des embûches pianistiques de
toute nature : passage de pouces, croisements incessants,
octaves en triples croches, répétitions avec changement de mesure,
sauts de quatre octaves, jeu de pédales qui tient de l'alchimie.
Mais ces difficultés ne sont pas gratuites ; Elles sont au
service d'une fresque unique dans la littérature pour piano. Ses
prodigieux coloris tentèrent Ravel qui l'orchestra avec génie,
certes, mais en lui faisant perdre son caractère spécifiquement
russe ;
Au-delà
de leur richesse descriptive et de leur écriture fascinante, les
Tableaux d'une exposition sont une œuvre prémonitoire, qui annonce
Stravinsky. Bartok et Prokofiev. Ils constituent le lien miraculeux
et unique entre le romantisme et la musique moderne.
***
Les
Tableaux d'une Exposition, écrits pour piano, sont peut-être plus
connus sous la forme orchestral que leur donna Ravel. En 1873 mourut
le peintre aquarelliste Victor Hartmann. Un an plus tard, en janvier
1874, son ami Stassov organisa une exposition de dessins, peintures,
maquettes et projets d'Hartmann. Moussorgsky imagina d'en faire une
suite pour piano, suite de peintures musicales, dont certaines
seraient reliées par un thème commun, la « Promenade ».
Ce thème servira d'introduction à une œuvre gigantesque –
terminée le 22 juin 1874 – et paraîtra sous des couleurs
différentes, reflétant l'impression laissée par le tableau
précédent, et donnera à toute l'oeuvre une parfaite unité. Nous
sommes donc du début jusqu'à lafin dans une des salles du musée ;
la « Promenade » nous conduit et nous présente les dix
tableaux de cette suite.
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire