Bien qu'exclu de la sélection Goncourt, le dernier livre d'Olivier Adam
est plébiscité par les libraires qui le placent en tête de leurs romans
préférés de la rentrée. "Les lisières", qui a pour décor principal la
banlieue parisienne, permet au narrateur -et à l'auteur- de règler son
compte à deux France : celle du Front national et celle de Saint-Germain
des Près.
Le roman de la France périphérique
Car Les lisières, livre fleuve de 450 pages, emporte le
lecteur parce que l'auteur y règle ses comptes avec deux France qui
s'ignorent et qu'il connaît l'une et l'autre : celle du Paris mondain
qui le rejette - ou qu'il rejette, multipliant les piques contre le
microcosme littéraire parisien, et celle du Front national qui
l'horrifie.
Roman "social" dans le meilleur sens du terme, le livre conte le
retour en banlieue parisienne de l'écrivain Paul Steiner, héros du livre
et double de l'auteur, venu aider sa mère hospitalisée et son père en
détresse.
Un voyage-réflexion sur l'inégalité des chances puisque le narrateur
retrouve dans le quartier de sa jeunesse d'anciens camarades de classe.
Les plus chanceux sont ceux qui ont un travail. Les plus nantis ont
quitté la ville depuis longtemps, comme le narrateur.
Le temps de l'imparfait, le ton de la colère
Sur fond de campagne électorale présidentielle, Paul l'écrivain découvre les ravages des discours de "La Blonde" (Marine Le Pen). Jusqu'à son père qui qui lui envoie sans fard : "je vote pour qui je veux. Tes jugements d'intello bourgeois, tu peux les garder".
La xénophobie, Olivier Adam l'a toujours stigmatisée. D'où vient
l'impression qu'il a franchi ici un cap supplémentaire ? De ces morceaux
entiers de colère pure, trop nombreux pour être cités, qui portent le
livre ?
Ce flot de pensées, de discours, de souvenirs, aller-retour entre un
présent douloureux (le héros est séparé de sa compagne et ses enfants
lui manquent), un futur incertain, et un passé changeant, est bercé par
l'imparfait. Le temps du remords et du souvenir .
Dans ce grand roman de la bordure, de l'écart avec le centre,
résonnent pleinement les divisions de la France d'aujourd'hui. Ni le
grand public ni les libraires ne s'y sont trompés. Les jurés Goncourt
prennent le risque de se couper d'une France qui peut être à la fois
populaire et cultivée.
"Les lisières" Olivier Adam (Flammarion ) |
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