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Manuela, infirmiere, vit seule avec son fils Esteban, passionné de
litterature. Pour l'anniversaire de Manuela, Esteban l'invite au théâtre
ou ils vont voir "Un tramway nommé désir". A la sortie, Manuela raconte
a son fils qu'elle a interprété cette pièce face a son père dans le
role de Kowalsky. C'est la premiere fois qu'Esteban, bouleversé, entend
parler de son père. C'est alors qu'il est renversé par une voiture.
Folle de douleur, Manuela part à la recherche de l'homme qu'elle a aimé,
le pere de son fils.
LA CRITIQUE TV DE TELERAMA DU 12/05/2012
| Genre : tout sur Almodóvar.
Manuela vit seule avec son fils, Estebán. Apprenti écrivain de 16 ans, il a décidé d'intituler son premier livre Tout sur ma mère
et d'y raconter la vie de Manuela. Et peut-être aussi la vie de son
père, qu'il ne connaît pas. Mais Estebán meurt, renversé par une
voiture. Le monde de Manuela s'effondre. Elle décide alors de partir à
la recherche du père de son fils.
Coup de coeur de la critique et des publics du monde entier, Tout sur ma mère
a provoqué un émoi unanime. Almodóvar n'a pourtant pas renoncé à son
originalité piquante. La réussite de son film est de mêler sentiments
universels et convictions personnelles. Manuela est une figure de
l'amour qui nous touche tous. Infirmière veillant aux dons d'organes,
elle consacre sa vie, après la mort d'Estebán, à faire don d'elle-même
en aidant ceux qu'elle rencontre. Mais cette générosité n'est pas du
tout sanctifiée par Almodóvar. Il montre qu'elle est d'abord un instinct
de survie, une façon d'oublier la douleur en s'oubliant soi-même. C'est
toute la force du personnage de Manuela et de son interprète,
l'étonnante Cecilia Roth : être dans le concret, la vérité de la vie. Là
où la générosité peut faire non pas des miracles, mais sûrement des
merveilles.
Après la mort d'Estebán, le
monde se recompose avec une actrice lesbienne, une religieuse enceinte,
un camionneur devenu une « femme authentique » et un père nommé Lola.
Almodóvar montre là sa vision de la vie, pleine de générosité aussi. Une
générosité radicale. — Frédéric Strauss
Frédéric Strauss
LA CRITIQUE LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 19/05/1999
Alors, comme ça, Pedro Almodóvar nous dirait tout sur sa mère ?
Ce titre n'est peut-être pas un mensonge, mais à coup sûr un
trompe-l'oeil. Car le peu que cet excellent fils nous ait jamais dit sur
sa mère, il faut plutôt aller le chercher du côté de La Fleur de mon
secret, son avant-dernier film. On y voyait Marisa Paredes, reine du
roman rose, en plein désarroi existentiel, retourner auprès de sa
vieille maman, dans La Mancha là où justement le petit Pedro a grandi.
Alter ego du cinéaste, la Paredes y retrouvait une inspiration
feuilletonesque, et se mettait à écrire une intrigue foisonnante et
abracadabrante : on ne se refait pas...
Tout donne à penser que La Fleur de mon secret, sobre monographie sur la
douleur féminine, a engendré Tout sur ma mère, bouquet flamboyant de
secrets poignants, de dissimulations vitales, de mensonges mortels. « Il
n'y a pas de plus grand spectacle que celui d'une femme qui pleure... »
disait à l'époque Almodóvar. Si : peut-être celui de plusieurs femmes
qui pleurent. Manuela, Rosa, Huma, Lola pleurent. Pas ensemble, mais à
tour de rôle, des larmes retenues, des sanglots étouffés, parce que
leurs destins s'emmêlent inextricablement, dans « un drame démesuré,
baroque, aux personnages poussés à l'extrême, malmenés par le hasard ».
Où l'on retrouve Marisa Paredes, en diva, façon Talons aiguilles : mais
cette fois, elle ne chante pas, elle joue, elle est sur scène la Blanche
Dubois d'Un tramway nommé désir. Et c'est en rentrant de son spectacle,
sous une pluie battante, que Manuela (formidable Cecilia Roth) voit son
fils, qui s'était précipité pour obtenir un autographe de l'actrice,
mourir, renversé par une voiture.
Le « drame démesuré » est en marche. Almodóvar annonce d'emblée qu'il va
faire flamber tous les artifices du mélo. Coordinatrice des
transplantations dans un hôpital madrilène, Manuela, lors d'un séminaire
de psychologie, joue la femme éplorée apprenant de la bouche de ses
médecins qu'un de ses proches est cliniquement mort... avant de vivre
cette scène pour de bon. Plus qu'un coup de force scénaristique, c'est
une sorte de manifeste almodovarien : en chaque femme, il y a une
actrice, appelée à vivre les scènes qu'elle joue, et à jouer les scènes
qu'elle vit.
Car désormais, pour Manuela et tous ceux qu'un hasard forcé va mettre
sur son chemin, la vie et sa représentation théâtrale sont
indissolublement liées. Avec cette idée, obsédante, de la répétition, de
l'éternel retour. La mort de son fils fait de Manuela une femme en
mouvement. En quête de son passé, elle trace son chemin, rencontre des
fantômes, mais aussi des vies nouvelles.
Almodóvar a changé, dit-on. Les bien-pensants voudraient qu'il se soit «
assagi ». Mais c'est tout le contraire : cette façon de se déployer
dans le temps et l'espace, de relier les solitudes à travers les
générations, de mêler les vivants et les morts, c'est simplement le
signe d'une maturité qui s'offre de vraies audaces.
Comme cette séquence fulgurante, d'un kitsch sublime, où Manuela parce
qu'elle veut retrouver le père de son fils, ce père qu'elle lui a
toujours caché quitte Madrid pour Barcelone, la ville de sa jeunesse.
Un tunnel, long, interminable, et soudain, le ciel au-dessus de la ville
illuminée, la voix déchirante d'Ismaël Lo, quelques clichés nocturnes
de la ville baroque et interlope, un soupçon de Movida, et un
émerveillement intact : en quelques plans, Almodóvar revisite à la fois
son cinéma et son passé, sans que pointe une nostalgie complaisante,
avec simplement un regard sincère sur les choses qui ont été, que l'on
ne regrette pas, mais que l'on aime encore.
En apparence, tous les ingrédients almodovariens sont là. Mais il ne
faut pas se fier au papier peint furieusement années 70 de l'appartement
dans lequel s'installe Manuela : c'est un lieu « de passage », comme
sont de passage tous ceux dont elle va, un moment, partager l'existence
dans cette ville. Bonne soeur, travelo, junkie, autant de figures
familières, de film en film, que l'on s'obstine à désigner comme tels,
mais dont l'identité est devenue si mouvante, si fluide.
C'est ce sentiment aigu de l'éphémère qui rend ce film si poignant.
Pendant longtemps, du temps où il faisait figure de pionnier, Almodóvar a
semblé jouer avec cette idée qu'on pouvait rudoyer les corps, changer
de sexe comme de chemise : Tino devenait Tina, seule femme au milieu des
hommes (Carmen Maura s'y collait), on tutoyait le travelo, c'était La
Loi du désir. Aujourd'hui, c'est une force archaïque, tellurique, qui
permet à certains humains de transgresser la Loi de la différence des
sexes. En une seule scène, renversante que l'on baptisera «
L'apparition de Lola » , Almodóvar redonne au transsexuel son essence
divine, celle de l'androgyne primitif, homme et femme à la fois.
Tout le monde ne peut prétendre à l'Olympe. A côté de Lola, il y a aussi
la très humaine et si drôle Agrado, qui s'est donné ce prénom parce que
toute sa vie elle a cherché « à être agréable à autrui ». Agrado a
choisi le patio, la maison des femmes, la cour des songes et des
mensonges. Tout son corps ment, avoue-t-elle à son public d'un soir, au
cours d'un extraordinaire monologue impromptu, énumérant toutes les
opérations qu'elle a subies pour être « vraie » : «Une femme est
authentique lorsqu'elle ressemble à l'image qu'elle a rêvée d'elle-même.
» Ce qui vaut pour une femme ne vaudrait-il pas aussi pour le cinéaste ?
Ce film-là, on en est sûr, ressemble à celui qu'Almodóvar avait rêvé -
Vincent Remy
Vincent Remy
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