Le présidentroman
Présentation
Augustin – on ne le désigne que par son prénom –, ancien président
du Conseil, s'est retiré dans sa propriété des Ebergues, après un
cuisant échec politique. Bien qu'entouré d'un personnel dévoué et
vigilant qu'il tyrannise un peu, il est très isolé, sans que sa solitude
l'affecte, car il met son indépendance au-dessus de tout. En dehors des
moments où ses ennuis de santé et l'appréhension de la mort viennent le
troubler, il revit ses souvenirs d'homme d'Etat en rédigeant ses
mémoires.
Sans trop se l'avouer, il souffre d'avoir perdu toute influence dans la
vie politique du pays. Il entrevoit cependant une lueur d'espoir en
suivant de près une crise gouvernementale que traverse la France et pour
le dénouement de laquelle on cite le nom de Chalamont, son ancien chef
de cabinet. N'a-t-il pas conservé des documents qu'il croit
compromettants pour les politiciens du moment et, entre autres, un aveu
écrit arraché à ce Chalamont après une grave trahison de celui-ci ? En
effet, vingt ans plus tôt, informé de par ses fonctions d'une
dévaluation imminente, devenue indispensable et préparée en secret dans
l'entourage du Président, Chalamont avait divulgué l'opération à son
beau-père, un important financier qui en tira un profit considérable.
Mais Augustin prend conscience de son illusoire vanité, lorsqu'il voit
Chalamont, qui est devenu un homme influent, accepter
de former un nouveau gouvernement, négligeant ainsi avec indifférence
la menace que le Président croyait faire peser sur lui. Ce choc ramène
le vieillard à la réalité ; c'est sans amertume et en quelque sorte
soulagé qu'il brûlera ses papiers pour attendre une mort paisible qui ne
saurait plus tarder.
Les premières lignes…
Il y avait plus d'une heure qu'il ne bougeait pas, assis dans le
vieux fauteuil Louis-Philippe au dossier presque droit, au cuir noir
usé, qu'il avait traîné pendant quarante ans de ministère en ministère
et qui était devenu légendaire.
On croyait qu'il dormait, lorsqu'il restait ainsi, les paupières closes,
n'en soulevant qu'une, de temps en temps, pour laisser sourdre un filet
de regard. Non seulement il ne dormait pas, mais il gardait une idée
précise de l'aspect qu'il présentait, le torse un peu raide dans un
veston noir trop ample qui faisait penser à une redingote, le menton
soutenu par le faux-col dur et très haut, qu'on voyait sur toutes ses
photographies et qu'il portait comme un uniforme dès le moment où, le
matin, il sortait de sa chambre.
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dimanche 13 mai 2012
120513 - LECTURE - Georges SIMENON - Le Président
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