dimanche 5 février 2012

120205 - THEATRE - Luigi PIRANDELLO - Le plaisir d'être honnête



Comédie de Genève
6, bd des Philosophes - 1205 Genève
05.02 2012
Le Plaisir d’être honnête
de Luigi Pirandello
mise en scène Marie-José Malis

Comédie des apparences



 Trois personnages organisent une comédie des apparences. Agata Renni est enceinte de Fabio Colli, jeune noble séparé d’une femme «indigne». Aidés par un proche, la mère d’Agata et Fabio font appel à un homme qui sauve l’honneur de la famille en prenant les rôles de mari et de père fictifs. Baldovino est choisi. Ruiné, endetté, déclassé, il mène une existence misérable dans la petite ville de Macerata. Mais sa jeunesse, sa belle présence et son savoir-vivre en font un choix crédible. Un contrat est passé: en échange de la liquidation de ses dettes, il épouse Agata. 
Mais ce que les metteurs en scène de cette comédie des apparences n’avaient pas prévu, c’est que Baldovino joue son rôle d’honnête époux d’une femme honorable avec la plus grande dignité, jusque dans l’intimité du foyer. Il érige l’honnêteté en loi absolue, valable pour tous. Pour l’amant et pour la mère, la comédie des apparences se transforme très vite en système de vexations: Fabio ne peut plus toucher Agata, Maddalena ne plus lire son journal. Leurs libertés sont mises à mal.

Marionnettes
A l’opposé, Baldovino trouve dans l’exercice de son personnage un nouvel élan et une nouvelle forme de liberté: «Depuis dix mois, je ne suis plus un homme! (…) Presque une divinité! Je vis, délicieusement, dans l’absolu d’une forme abstraite!» (Baldovino, II, 2). En épousant Agata, Baldovino a épousé l’honnêteté, une vertu dont il est devenu la forme, et qui, loin d’être un carcan, se révèle épanouissante.

Un retournement s’opère. Celui qu’on avait «commandé» pour combler le vide d’un rôle, et qu’on s’imaginait pouvoir diriger comme on dirige une marionnette, trouve dans le travail quotidien de son personnage plus de liberté que dans la vie qu’il menait auparavant. Les vrais pantins de l’histoire, ce sont Fabio et Maddalena. Gouvernés uniquement par la nécessité de sauvegarder les apparences, puis jouets des conséquences de la comédie qu’ils ont organisée, ils deviennent les personnages d’une pantomime muette, aux soupirs machinaux.
La volonté d’une femme
Chez Pirandello, la marionnette n’est jamais là où on l’attend. La passion non plus. C’est peut-être là son génie. Dans les systèmes organisés par Maddalena et Fabio (la comédie des apparences), comme par Baldovino (la vraie tyrannie de l’honnêteté), il y a un personnage qui se déploie, et que personne n’avait pris en compte: Agata. Celle qui ne dit pas grand-chose, et qui pourtant est au centre de la situation, apprend en trois actes à négocier son libre-arbitre, et à imposer sa volonté. Elle découvre que le passage du non choix au désir dépend de la rencontreavec une idée du vrai.Au premier acte, elle dit «je ne veux pas». Personne ne l’écoute. Au deuxième, même réplique, même réaction des autres personnages. Au dernier acte enfin, elle abandonne la négation: «Je le veux.» Que veut-elle? Ou plutôt qui veut-elle? Baldovino. Sous le tyran, elle a su reconnaître une fragilité qui lui correspond bien: elle a échappé de justesse au suicide. Avec Agata, Le Plaisir d’être honnête devient l’histoire d’un homme qui pensait trouver son salut personnel dans l’exercice d’une vertu, et qui découvre que c’est l’entièreté de la vie et de l’amour qui en dépend. Comédie et joie d’un monde relancé.


Origines
  Pirandello a écrit Le Plaisir d’être honnête dans la foulée de Chacun sa vérité, et selon toute vraisemblance avant l’ouverture de la saison 1917-1918. La pièce fût créée à Turin, au Teatro Carignano, par la troupe de Ruggero Ruggeri. En France, ce fût la première pièce de Pirandello portée à la scène, par Charles Dullin, en 1922, sous le titre La Volupté de l’honneur.
L’intrigue de la pièce a pour origine une nouvelle, Le Stage, publiée en 1905. D’un texte à l’autre, la même situation (celle d’un mariage de façade), mais avec de nombreuses variantes. Notamment dans le traitement des raisons qui animent les personnages. Elles sont quasi inexistantes dans la nouvelle: on ne sait pas pourquoi Fabio ne peut pas épouser son amante, ni pourquoi le mari de substitution se prête au jeu, encore moins pourquoi il pousse ce jeu dans ses conséquences les plus extrêmes. Dans la pièce en revanche, les raisons sont limpides.
Le passage au théâtre est une mise à nu des causes et des conséquences. Sans jamais rien sacrifier du singulier et de l’étrangeté du motif central.

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