Jean Genet : Miracle de la rose
1946, L’Arbalète
Jean Genet : voleur et écrivain ; engagé aux côtés des
Palestiniens dans leur lutte durant les années 70 ou dans celle des
Black Panthers à la même époque. Véritable rebelle à la société, "votre
monde", comme il le jette au
lecteur de manière provocante dans Miracle de la rose ou dans Journal
d'un voleur. Enfant de l'Assistance publique, très tôt incarcéré en
maison de correction, dans la légendaire Mettray qu'il évoque à la fois
comme Enfer et Paradis perdu, Genet se définit peut-être avant tout
comme celui qui est toujours "l'autre", ce qui explique ses engagements
précédemment évoqués. Lorsqu'il se fait à nouveau incarcérer à la Prison
de la Santé, il retrouve finalement un univers qui lui est familier, et
même cher. Miracle de la rose raconte ce séjour : cellules, barreaux,
latrines, matons, règlements de comptes ; tout l'univers carcéral est
là, mais sublimé, transfiguré, car il est d'abord le lieu des amours,
nombreuses et enivrantes, rituels masculins dont l'auteur exalte les
grâces. Harcamone, Bulkaen, Divers : délinquants ou criminels, auréolés
de sombre gloire, élevés au rang de mythes. Genet aime l'un puis
l'autre, avec toujours, il le confesse, cet attrait pour la beauté qu'il
décrit en ces termes : "l'extraordinaire évidence de ce qui avait lieu,
la force de ce bonheur d'être se nomme aussi la beauté." Ainsi, le lieu
de l'enfermement est prétexte à fantasmes précieusement entretenus.
Il
serait quelque peu dérisoire, on l'aura compris, de chercher dans
Miracle de la rose un témoignage réaliste sur la vie en prison, puisque
cette œuvre, comme toutes celles de Genet, est avant tout poétique.
L'enfermement, décuplant le lyrisme du narrateur, exalte la flamboyante
mythologie intime de celui-ci et lui permet de reculer les limites de
ses propres rêveries. Poète, Genet ne donne à voir de la prison que sa
propre aventure intérieure, déclinant ses propres obsessions. Lire son
œuvre - celle-ci et toutes les autres - c'est alors chercher à
comprendre sans juger cette quête éperdue du Beau, cette volonté
systématique et que d'aucuns pourraient estimer futile ou pesante, de
faire de sa propre existence matière à légende. Mais n'est-ce pas,
précisément, un des postulats possibles de la littérature
autobiographique?
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