|
LA CRITIQUE TV DE TELERAMA DU 10/12/2011
| Genre : Noir turc.
Un
plan de Nuri Bilge Ceylan, c'est déjà une histoire en soi, une histoire
à imaginer. Qu'il s'agisse d'une voiture qui file dans la nuit, d'un
paysage lumineux ou mélancolique, quelque chose de puissant invite à
regarder comme on ne regarde pas les autres films. Ici, par exemple, le
lieu principal de l'action : un immeuble, perché entre la mer et la voie
de chemin de fer. D'emblée symbolique : à la fois un refuge lumineux et
un lieu d'où l'on pourrait se jeter, aspiré par la pesanteur du
malheur. Y vivent trois personnages : le père, la mère, le grand fils.
Le premier, chauffeur d'un homme politique, accepte une combine :
endosser, contre de l'argent, la responsabilité d'un accident mortel
commis par son patron - et la peine de prison qui va avec. Les deux
autres vont l'attendre, mais c'est trop tard, la manigance, la
compromission ont déréglé le quotidien de cette famille modeste.
Le
style contemplatif de Nuri Bilge Ceylan est-il tout à fait adapté à
cette histoire à la James Cain ou à la Julien Duvivier ? Le cinéaste n'a
pas perdu, heureusement, son sens de l'ironie, qui lui inspire quelques
fulgurances. Il peut ainsi matérialiser le destin en marche par une
sonnerie de téléphone portable : une rengaine sentimentale, un tube de
variété turque. C'est un cri de rupture - les paroles sont sous-titrées -
qui introduit dans le récit le plus vieux des ressorts dramatiques : le
dépit amoureux.
Aurélien Ferenczi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire