mardi 27 août 2013

130823 - LECTURE - Louis BROMFIELD - La Mousson - Tome 2







          Publié pour la première fois en 1937, « La Mousson » - qui porte en anglais le titre, infiniment plus poétique, de « The Rain Came » - est probablement, avec « Mrs Parkington », le roman le plus connu et aussi le plus lu de Louis Bromfield. Il a d’ailleurs donné lieu à une adaptation cinématographique mémorable avec la sculpturale Lana Turner dans le rôle de lady Esketh, Tom Ewell - le voisin de Marilyn dans « Sept Ans de Réflexion » - dans celui de Tom Ransome et un Richard Burton somme toute assez convainquant dans celui du Major Safti.

     L’argument de base est le suivant : dans une petite principauté indienne, l’Etat de Ranchipur, que gouvernent de façon éclairée le Vieux Maharadjah et son épouse, l’impressionnante Maharani, la saison Sèche touche à sa fin et tout le monde attend désespérément le début de la saison des Pluies. Lorsque celles-ci arrivent, elles sont si violentes qu’elles provoquent la crue du fleuve et la rupture d’un barrage édifié par un escroc. La ville se retrouve alors inondée et le choléra se déclare. A la fin de ce roman-fleuve - six-cent quatre-vingt-quinze pages en édition de Poche - tout rentrera dans l’ordre non sans que certains des personnages campés par Bromfield n’aient trouvé dans la catastrophe une mort navrante ou héroïque.

        Derrière ce thème, les buts poursuivis par le romancier s’avèrent multiples. Avant tout, bien entendu, l’éternelle opposition entre l’Orient et l’Occident - au bénéfice de l’Orient puisque Bromfield penchait fortement vers le Communisme et rejetait avec violence toute idée colonisatrice qui ne fût pas originaire d’URSS. (En ce qui concerne la colonisation des Etats-Unis, ce petit-fils de pionniers débarqués en Ohio au XVIIIème siècle n’en parle toujours qu’en termes héroïques pour les Blancs et je ne connais aucun ouvrage de lui où il ait pris position pour les Indiens d’Amérique. ). Les considérations enthousiastes qu’émet aussi Bromfield sur l’Islam en évoquant la personnalité au demeurant des plus énergiques de Rashid Ali Khan, le Chef de la Police de Ranchipur, sonnent tout aussi étrangement et ne trouveraient certainement pas d’écho de nos jours chez la majeure partie des Américains.

          C’est que Bromfield a cette implacable naïveté des « compagnons de route » et qu’il avance obstinément, pas à pas s’il le faut mais sans reculer d’un pouce et en se cramponnant à ses idées toutes faites et aux oeillères qui le protègent. Soyons juste : cela ne remet pas en cause son talent dont il fait ici l’une de ses meilleures démonstrations en nous peignant toute une galerie de personnages qui, Indiens comme Britanniques, valent largement le détour.

           Principal héros et observateur : Thomas Ransome, fils cadet d’un comte britannique et d’une héritière américaine, qui endort son désenchantement et son cynisme dans l’abrutissement de l’alcool. Après une jeunesse où il a brûlé la chandelle par les deux bouts, il a atterri à Ranchipur où il s’est fixé parce que tout, dans ces Indes immémoriales, le fascine. Depuis lors, il alimente par sa présence et son passé, supposé ou réel, les fantasmes de la petite communauté américano-britannique du coin.

          A la tête de la communauté en question, Mr et Mrs Simon, des missionnaires protestants expédiés à Ranchipur pour y accomplir tout le bien possible mais qui y ont évidemment amené ces a-priori bizarres et incompréhensibles pour le commun des Européens que les Etats-Unis ont toujours nourris envers tout ce qui n’est pas américain à 100%. Dans le couple, c’est la blonde Mrs Simon, ancienne "belle" sur le retour, qui dirige, d’une main d’acier, non seulement sa marionnette d’époux mais aussi ses deux filles, Hazel l’Effacée et Fern la Rebelle. Outre ses obligations de tyran familial, Mrs Simon consacre son temps à cancaner avec Lily Hoggett-Eggbury, l’épouse de l’Administrateur britannique du coin (lequel Administrateur a préféré se réfugier à Calcutta, loin de l’incroyable vulgarité de sa femme) et à rédiger les textes de nombreuses lettres, toutes destinées à perdre définitivement ses voisins, Mr et Mrs Smiley - autre ménage de missionnaires mais présenté, celui-là, par Bromfield comme la parfaite antithèse des Simon - dans l’esprit des responsables fédéraux de la Mission Evangélique.

          L’un des grands rêves de Mrs Simon - pour ne pas dire son fantasme le plus acharné - est de voir Tom Ransome - un aristocrate anglais, tout de même ! - assister à l’une des petites parties qu’elle donne régulièrement. Et voilà que, alors que les pluies commencent à peine, le miracle se produit : poussé par l’ennui, Ransome y fait une brève apparition. Juste le temps pour lui de nouer une relation amusée et un peu paternelle avec la jeune Fern, en qui il sera assez surpris de découvrir par la suite un point de stabilité qui lui deviendra vite indispensable.

          Mais n’anticipons pas ...

          Dans le même temps, débarquent à Ranchipur lord et lady Esketh. Le premier est un nouveau riche absolument infect même si, selon la formule consacrée, il s’est fait tout seul. Grand amateur de chevaux de race, il vient acquérir deux étalons de grand prix auprès du Maharadjah. La seconde est, tout comme Ransome avec qui elle eut jadis une liaison, un pur produit de l’authentique aristocratie anglaise. Et, toujours comme Ransome, elle traîne un fantôme d’existence, à la seule différence que, pour elle, le sexe y remplace l’alcool.

          Mais les pluies s’abattent et tout se met à bouillonner. Lord Esketh tombe malade. On appelle à son chevet le major Safti, médecin et chirurgien du lieu, qui diagnostique un cas de peste, probablement contractée dans les écuries du Maharadjah où deux palefreniers sont déjà morts. Plus préoccupée du physique du séduisant major que du décès imminent de son époux - qui a tout fait, il est vrai, pour qu’elle en vienne à le haïr - Edwina Esketh songe déjà au moyen de demeurer à Ranchipur un peu plus longtemps.

          A l’extérieur, la catastrophe déborde. En quelques heures, tout ou presque est submergé et les destins se dénouent. Celui de Miss Dirks, l’une des deux institutrices de Ranchipur, qui préfère la noyade aux souffrances que commence à lui imposer le cancer de l’utérus dont elle souffre. Par contre coup, celui de son amie, Miss Hodge, avec laquelle elle vivait depuis près de trente ans et qui, incapable de supporter la réalité de la disparition de sa compagne, sombrera dans une folie douce. Celui de Mr et Mrs Jobnekar qui avaient consacré toute leur vie à la réhabilitation des Intouchables et que le flot engloutit avec leur maison. Celui de Harry Loder, militaire britannique et prétendant aussi brutal que malheureux à la main de Fern : personnage somme toute assez antipathique, il se proposera néanmoins pour faire sauter la barrière de cadavre qui empêchait les eaux de redescendre et y perdra la vie. Et bien d’autres encore ...

          Car « La Mousson », c’est aussi un roman sur la renaissance morale d’individus qui, jusque là, s’étaient comportés soit en parfait égoïstes, soit en fripouilles absolues. Certes, les personnages y sont parfois crayonnés de façon un peu trop manichéenne, voire caricaturale mais, pour une raison ou pour une autre, ils n’en tiennent pas moins bien la route même si l’ensemble a vieilli. On peut regretter également les longueurs inévitables à ce genre de romans. Toutefois, si vous n’avez rien à vous mettre sous la dent et si vous aimez les analyses minutieuses des petites communautés, que celles-ci soient indiennes, américaines, européennes ou marsiennes, allez-y de confiance. « La Mousson » n’est pas ce que l’on nomme de « la grande littérature » mais c’est un livre qui a le mérite d’avoir été écrit par quelqu’un de sincère et, tout compte fait, son ingénuité présente quelque chose de rafraîchissant.



lundi 26 août 2013

130826 - MUSIQUE - LECLAIR - Quatre sonates pour flûte



Jean-Marie LECLAIR




QUATRE SONATES POUR FLUTE
SONATE EN MI MINEUR, op. 2/1
SONATE EN UT MAJEUR, op. 2/3
SONATE EN SOL MAJEUR, op. 2/5
SONATE EN RE MAJEUR, op. 2/8

Christian Larde, flûte
Huguette Dreyfus, clavecin
Jean Lamy, viole de gambe




On n'a pas accordé jusqu'ici à Jean-Marie LECLAIR toute l'attention que mérite son génie. Et pourtant, dans la musique française de son temps, il fut incontestablement le seul créateur pouvant soutenir la comparaison avec Jean-Philippe RAMEAU.

Jean-Marie LECLAIR naquit à Lyon, en 169, et jusqu'à trente ans passés partagea sa vie entre la musique et la danse. Finalement, la musique l'emporta et il lui resta fidèle, à travers les succès et les échecs d'une vie aventureuse, scellée par une fin tragique. Un matin d'octobre 1764, on le retrouve gisant sur le seuil de sa porte, percé de trois coups de poignard. Les mobiles de ce crime demeureront aussi mystérieux que la personne de l'assassin.

On a parfois qualifié LECLAIR de «CORELLI français». De fait, il domine de haut toute notre école classique de violon et rappelle son grand prédecesseur italien par un sens très exigeant de la perfection et par une écriture précise, dont la pureté dissimule une sensibilité ardente. Son œuvre comprend un peu moins d'une centaine de compositions. Si toute la production instrumentale s'adresse en priorité au violon, LECLAIR a néanmoins prévu des alternatives et huit de ses sonates ont été écrites aussi bien pour la flûte que pour le violon.

Ces Sonates pour flûte révèlent d'emblée le très grand musicien, que ce soit dans la qualité ou l'originalité des thèmes, d'une invention aussi variée que hardie, ou dans la saveur d'une harmonie bien française. Elles sont dignes des plus belles trouvailles de RAMEAU, par le jaillissement de leur intense vie rythmique comme par la maîtrise prodigieuse de leur écriture contrapuntique.

Dans ces pages précieuses, la musique est un langage infiniment subtil, manié avec un raffinement et une intelligence aigus par un maître dont il est grand temps de reconnaître le génie.




dimanche 25 août 2013

130826 - MUSIQUE - France Musique


Festival de Salzbourg : le 


Mozarteum Orchestra Salzburg 


joue Mozart, Ives, Stravinsky






Le 4 août 2013, le Mozarteum Orchestra Salzburg dirigé par Ingo Metzmacher interprète des oeuvres de Wolfgang Amadeus Mozart, Charles Ives et Igor Stravinsky au Mozarteum, Salzbourg.

Concert présenté par Anne Montaron 
♫ Wolfgang Amadeus Mozart
Marche, K. 215 
et la 
Sérénade n ° 5 en ré Majeur, K. 204
Mozarteum Orchestra Salzburg 
Ingo Metzmacher, Direction



Après concert



Ingo Metzmacher



♫ Conlon Nancarrow

Arrangement pour ensemble 
instrumental

Ensemble moderne de Francfort
Ingo Metzmacher, Direction

Conlon Nancarrow est un compositeur américain, naturalisé mexicain, né à Texarkana le27 octobre 1912 et décédé à Mexico le 10 août 1997.
Le travail de composition de Conlon Nancarrow est consacré à l'exploration méthodique de phénomènes rythmiques très complexes (polyrythmie, poly-temporalité, canon de proportion, etc.), appliqués presque exclusivement au piano mécanique (le seul instrument capable, dans le Mexique des années 1940, d’exécuter ses œuvres).
Très influencé par le jazz à ses débuts, il s'oriente petit à petit vers un langage plus expérimental, rejoignant alors certaines des préoccupations de compositeurs commeElliott CarterGyörgy Ligeti ou Iannis Xenakis notamment.



♫ Benjamin Britten

Sérénade pour ténor, cor et cordes, 
opus 31

Orchestre symphonique de Bamberg
Ingo Metzmacher, Direction


La Sérénade pour ténor, cor et cordes est un cycle de poème mis en 
musique pour ténorcor soliste et orchestre à cordes, par Benjamin Britten.
Cette sérénade fut écrite au début de l'année 1943 et créée la même année par Walter Goehr 
avec l'orchestre du London's Wigmore Hall le 15 octobre. Composée pour 
Peter Pears et Dennis Brainelle est écrite sur une série de poèmes 
fameux de la langue anglaise.
Britten, qui semblait vouloir présenter cette œuvre comme un simple 
divertissement, tisse dans chaque partie du cycle une atmosphère 
particulière, explorant les différentes possibilités de la conjonction de 
la voix et du cor.

Détail de l'œuvre



♫ Karl Amadeus Hartmann

Symphonie n°5 dite
Symphonie concertante (1950)

Ensemble moderne de Francfort
Ingo Metzmacher, Direction

Karl Amadeus Hartmann est un compositeur allemand, né à Munich le 2 août 1905
 et mort dans la même ville le 5 décembre 1963. Son œuvre orchestrale a pour centre 
de gravité son imposant corpus de huit symphonies.
Né dans une famille vouée aux beaux-arts, son père et un de ses frères sont peintres
Il commence ses études en 1919, à Pasing, près de Munich, pensant d'abord se consacrer
 à une carrière d'enseignant, avant d'interrompre ses études en 1922, puis de les reprendre 
en 1924, en changeant de voie et en entrant à la Staatliche Akademie der Tonkunst, à Munich, 
où il reste jusqu'en 1927, y étudiant sous la direction de Joseph Haas.
C'est à cette époque qu'il fait la connaissance de Hermann Scherchen, qui encourage sa 
vocation, et que, en 1928, il participe à la fondation des concerts organisés par l'association 
artistique « Die Juryfreien ». Il ébauche, entre1928 et 1930, le cycle des opéras de chambre 
« Wachsfigurenkabinett », cycle qui reste inachevé.
Profondément épris de démocratie, Hartmann assiste avec consternation à l'arrivée au pouvoir
 d'Adolf Hitler et à l'avènement du Troisième Reich en 1933. Plutôt que de choisir l'exil, comme 
tant d'autres, il préfère demeurer en Allemagne, mais en se retirant complètement de la scène
 musicale allemande, tandis que certaines de ses œuvres sont jouées à l'étranger, où sa
 réputation va en grandissant, mais que le public allemand ignore quasiment tout de ce 
compositeur caché. Pendant ces douze années, jusqu'en 1945, il préfère se consacrer,
 dans son exil intérieur volontaire, à l'art de la composition.
Durant cette période sombre, Hartmann ne se départ pas de sa foi en une intégrité morale et 
en l'humanité. Il sublime dans l'art de la composition son besoin de résistance. Les œuvres
 écrites à cette époque témoignent de cette attitude : l'opéra Simplicius Simplicissimus,
par exemple, traite de la dignité de la personne humaine face aux atrocités de l'époque. 
Dès 1934, il dédie également le poème symphoniqueMiserae aux prisonniers du camp 
de concentration de Dachau. En outre, nombre de ses œuvres sont clairement imprégnées 
du climat pesant de la Seconde Guerre mondiale.
Pendant la guerre, il se perfectionne avec Anton von Webern, qui le « pousse » vers la
musique sérielle puis, après la guerre, sortant de sa longue relégation volontaire, il cumule 
les fonctions officielles à Munich et en Bavière :
  • il est nommé dramaturge musical au Bayerische Staatsoper ;
  • il crée notamment, en 1945, le cycle de concerts de musique contemporaine Musica Viva, 
  • dont il assure la formation artistique initiale, et dont il restera responsable jusqu'à sa mort ;
  • puis il assume la présidence de la section allemande de la Société internationale de 
  • musique contemporaine (S.I.M.C.) en 1953