Il est envoûtant d'écouter une conversation faite de silences et de
répétitions, de phrases inachevées, de questions tues ou inlassablement
répétées. Entre Lauren et son mari, les silences sont sans doute aussi
imposants que les mots. Combien de choses peut-on dire dans un souffle,
dans une grappe de mots retenus ou un simple regard ? Peut-être trop.
Peut-être pas assez. Lauren ne lira pas, ce matin-là, dans les silences
de son mari sa volonté de se tirer une balle dans la tête. Avec la mort
de ce réalisateur déchu, l'univers de Lauren s'effondre, la laissant
désemparée dans cette grande maison vide face à la douleur lancinante de
l'absence. La solitude ? Vraiment ? Bientôt, les bruits qu'elle avait
pu entendre avant la mort de son mari prennent corps en la présence d'un
étrange individu, homme enfant au phrasé imparfait ou trop parfait que
Lauren surnomme M. Tuttle. Et dont la particularité, entre autres, est
de parler en prenant la voix de son défunt mari… Body Art est le
nouveau roman de Don DeLillo, son nouveau visage d'écrivain aussi. Loin
de la forme épique d'Outremonde, l'écrivain américain écrit avec cette
simplicité qui traduit une grande maîtrise et confère à son style la
puissance de la sincérité. Histoire intimiste et touchante que la
volonté de cette femme de surmonter son deuil, par-delà les contingences
terrestres d'une vie réelle et temporelle. Peut-on déraciner la
souffrance pour l'exalter ? Et où cela mène-t-il si ce n'est à l'art ?
--Hector Chavez |
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