Les gens
disent qu’on naît innocent, mais ce n’est pas vrai. On hérite de toutes
sortes de choses auxquelles on ne peut rien. On hérite de son identité,
de son histoire, comme d’une tache de vin indélébile. » L’héritage dont
le narrateur du Marin de Dublin est le malheureux et innocent
dépositaire – lui parle même de « péché originel » –, c’est une
généalogie à la fois complexe et houleuse : un père plus qu’autoritaire,
nationaliste irlandais régnant en despote pas vraiment éclairé sur sa
famille ; une mère allemande, ascendance extrêmement lourde à porter
dans cette Irlande de l’après-guerre.
On reconnaît là la trame qui, déjà, soutenait Sang impur (éd. Phébus,
2005), un précédent roman, superbe transposition fictionnelle de sa
propre enfance difficile. De Sang impur, Le Marin de Dublin est en
quelque sorte la suite : voici, à la fin des années 60, l’enfant devenu
adolescent, et qui, las de subir cette famille qui est comme « une
usine à cauchemars » – « D’autres familles étaient obsédées par le
sport, la musique ou la danse irlandaise […] Nous avons développé un
talent tout particulier pour nous inventer des peurs et des cauchemars… »
–, décide de se choisir une nouvelle identité. Adoptant pour cela le
prénom de son grand-père paternel, « un marin aux yeux doux » qu’il n’a
jamais connu. Comme son aïeul, l’adolescent veut prendre la mer et
s’engage dans l’équipage d’un chalutier, l’espace d’une saison. « Je
vais enfin m’enfuir et gagner mon innocence. Adieu le passé et le
ressentiment. Adieu la honte », dit le jeune homme. La réussite de ce
roman d’apprentissage sensible, peuplé de personnages dotés d’une belle
épaisseur, tient avant tout à la qualité de cette voix, qui semble
effectivement émaner directement de l’adolescence de l’auteur, vive et
intacte – tout comme ses émotions retrouvées.
Nathalie Crom
Traduit de l’anglais (Irlande) par Katia Holmes, éd. Phébus, 304 p., 20
€.
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samedi 28 juillet 2012
120728 - LECTURE - Hugo HAMILTON - Le Marin de Dublin
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