Ceux qui ont eu le plaisir de lire " L'Oeuvre au noir" reconnaîtront une ébauche de Zénon sous les traits du héros d’" Un homme obscur ".
Une ébauche seulement : jeune, intelligent mais peu cultivé, esprit
curieux et proche de la nature, Nathanaël vit également dans les
Pays-Bas du XVIIe siècle, mais son avenir sera bien différent.
S’étant enfui de chez lui à la suite d'un malentendu, il devient marin,
échoue sur une île, y refait sa vie par la force des choses puis repart
vers sa terre natale. Chaque fois, une femme différente l’accompagne,
qu'il n’a pas plus choisie que les lieux où il vit.
Dans le style superbe auquel elle nous a habitués, Marguerite Yourcenar
conte les pérégrinations de cet " homme obscur " qui semble vivre tous
les événements sans le vouloir, presque malgré lui. Il sera ballotté,
malmené par vagues de la vie, jusqu’à ce qu’une lame plus forte que les
autres finisse par l'emporter…
Ce qui distinguait Nathanaël était son incapacité à diriger le cours de
son existence : dans " Une belle matinée ", son fils Lazare semble lui
aussi se laisser porter par les vagues du destin, mais de façon
intelligente, afin qu'elles le mènent là où il le désire. Peut-être
a-t-il tout simplement plus de chance que son père, mais il semble
capable dès son plus jeune âge de mettre en scène sa propre vie : en une
quarantaine de pages, le lecteur pressent déjà que ce petit bonhomme
aura une existence longue et riche d'expériences. D’ailleurs, ce nom de
Lazare n'est-il pas, plus qu'aucun autre, un synonyme d’espoir dans la
civilisation judéo-chrétienne ?
A la réflexion, les titres des deux nouvelles laissaient déjà augurer l’obscurité de la première et la lumière de la seconde. |
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