“Mussolini-Hitler”, un tête à tête de dictateurs
Documentaire | Le duo Duce-Führer entre grande histoire et vie privée. Un brillant documentaire de Jean-Christophe Rosé, malheureusement colorisé, à voir ce mercredi 6 juin sur France 3.
Traiter avec respect la « grande histoire » n'empêche pas de la teinter d'une dose de subjectivité forcément imprégnée d'histoire personnelle. Dans ses documentaires sportifs (Fausto Coppi, une histoire d'Italie) comme dans ceux évoquant la Seconde Guerre mondiale (39-40, la guerre des images), Jean-Christophe Rosé excelle à concilier rigueur historique et point de vue d'auteur clairement affirmé. C'est également le cas dans Mussolini-Hitler, l'opéra des assassins, film d'archives que diffuse France 3 ce mercredi 6 juin 2012, dans une version atrocement colorisée.
Avant de se pencher sur les relations qu'entretinrent les deux dictateurs, le documentariste avait envisagé de raconter la chute du Duce sous la forme d'un docu-fiction intégralement tourné en caméra subjective. « J'aurais montré la fin de Mussolini à travers ses yeux. Mais il m'aurait fallu recourir aux moyens de la fiction ; ç'aurait été un téléfilm, et ça n'est pas mon genre. »
Né à Genève dans une famille franco-polono-italienne, d'un père qui fut pilote dans la Royal Air Force pendant la guerre et d'une mère romaine, Jean-Christophe Rosé passait ses vacances près du lac de Côme. « Chez moi, l'Italie est une seconde culture. D'où mon idée d'aborder cette histoire plutôt que les relations de l'Allemagne avec l'Autriche ou la Hongrie. » Son choix de négliger l'Afrique des colonies et celle de Rommel pour se concentrer sur le front de l'Est trouve également son origine dans un tropisme alpin. « Les neiges de la Russie me font plus frissonner que les sables du désert, dit-il. En même temps, une telle option se justifie sur le plan historique. »
La subjectivité de ses choix n'exclut effectivement jamais un souci de rigueur, garanti par l'historien Pierre Milza, auteur d'un monumental Mussolini (chez Fayard) et conseiller sur le film. « Il m'est arrivé de passer outre ses avis, reconnaît Jean-Christophe Rosé. Quand il m'a reproché de parler d'“armée d'opérette” sur des archives italiennes, j'aurais peut-être dû l'écouter… En revanche, quand il m'a expliqué, sur des images d'Eva Braun, qu'on ne pouvait pas dire qu'elle se “trémousse” dans les eaux italiennes mais qu'elle “nage”, là, j'assume ! »
La tension soigneusement entretenue entre justesse historique et licence créatrice caractérise le style du réalisateur. Style racé et teinté d'humour, hélas dégradé par une colorisation supposée séduire le « grand » public. Effet de subjectivité d'une télé publique en manque d'audience et de repères ?
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