Du 9 juillet au 6 novembre 2011, la fondation rend hommage à Paul Rebeyrolle (1926-2005), un des plus grands artistes français du XXe siècle. A l'image du sanglier qu'il a souvent dépeint, son pinceau et son couteau semblent fouir la matière grasse et colorée pour faire surgir les personnages et de puissantes évocations de la nature. Profondément engagé dans la vie politique de son temps, Paul Rebeyrolle nous laisse une oeuvre figurative, un regard à la fois révolté et tendre sur la tragédie de la condition humaine.
Tout en présentant quelques oeuvres sculptées, l'exposition met l'accent sur le travail de peinture et rassemble une trentaine de tableaux réalisés entre 1957 et 2004. La scénographie s'organise autour des thématiques récurrentes dans l'oeuvre de l'artiste : la nature, l'homme et la société.
Paul Rebeyrolle biographie
Né à Eymoutiers (Haute-Vienne) en 1926, décédé en 2005 à Boudreville (Côte d'Or).
1931-36 - Atteint d'une maladie qui nécessite une immobilisation totale, en minerve plâtrée, il passe son temps à dessiner et ses parents, instituteurs, lui apprennent à lire et à écrire. Convalescence et plâtre de marche.
1937 - La famille s'installe à Limoges où ses parents enseignent. Etudes secondaires au lycée Gay-Lussac.
1944 - Il passe son baccalauréat de philosophie en juillet et, dès le mois d'octobre, il monte à Paris par "le premier train de la Libération". Il sait depuis longtemps qu'il veut devenir peintre. De son adolescence dans le Limousin, il gardera sa passion de la nature, de la campagne et le sentiment violent que la conquête de la liberté est une nécessité absolue.
1945-46 - Installé à Paris, il consacre son temps à voir des expositions : Soutine à la Galerie de France, Picasso au Salon d'Automne, etc...
1947 - Le Louvre rouvre ses portes : tous les dimanches, il profite de la gratuité du musée pour aller admirer les peintres vénitiens, Rubens, Rembrandt, etc.
1950 - Voyages en Espagne et en Italie pour visiter les musées. Il participe à des expositions de groupe et à des salons. Il conforte son appétit de liberté dans l'atmosphère qui suit l'après-guerre. Ce goût d'indépendance le porte aussi à refuser l'enseignement des écoles d'art, quelles qu'elles soient : il fait le choix de travailler à l'atelier de Paris et à Eymoutiers, où il séjourne fréquemment.
1951 - Début des expositions personnelles de Paul Rebeyrolle.
1953-56 - Farouchement opposé à la propagande d'intensification de la Guerre Froide, il adhère au parti communiste qu'il quitte trois ans plus tard en réaction aux événements de Hongrie et à la duplicité du PC face à la guerre d'Algérie. Il symbolise cette rupture dans un grand tableau qu'il intitule "A bientôt j'espère". Cette période est caractérisée par des choix artistiques revendiqués, notamment son rejet de la peinture abstraite et du réalisme socialiste.
1959 - A Eymoutiers , il réalise "Planchemouton", un grand tableau commandé par le comité de la première Biennale de Paris pour orner l'escalier du Palais des Beaux-arts. « Planchemouton » est le nom de la grange où il peint ce tableau et celui du ruisseau qui borde l'actuel Espace Paul Rebeyrolle (l'œuvre y est exposée).
1963 - Il quitte Paris et s'installe à la campagne pour y vivre et y travailler, d'abord dans l'Aube puis en Côte d'Or.
A partir de 1968, les thèmes politiques qui reflètent ses engagements s'inscrivent dans des séries picturales : "Guérilleros" (1968), "Coexistences" (1970), "Les Prisonniers" (1972), "Faillite de la science bourgeoise" (1973), "Nature morte et pouvoir" (1975), "Les évasions manquées" (1980-82), "Le sac de Mme Tellikdjian" (1983), "On dit qu'ils ont la rage" (198461985), "Germinal" (1986), "Au royaume des aveugles" (1987), "Les Panthéons" (1990-91), "Splendeur de la vérité" (1993), "Le Monétarisme" (1997-99).
LE PETIT COMMERCE |
Ce cycle d'inspiration politique est ponctué par d'autres thèmes : "Nus", "Sangliers", "Paysages", "Grands Paysages", "A propos de Courbet", "Bacchus". Le point commun à tous ces thèmes est la situation de l'homme et son engagement dans le monde qui l'entoure.
2005 - Paul Rebeyrolle s'éteint le 7 février à l'atelier de Boudreville, en Bourgogne, à l'âge de 78 ans. Ses cendres ont été dispersées à Eymoutiers, dans le ruisseau de "Planchemouton".
LA BARRIERE |
« Si je peins un chien, j’aime qu’il ait des poils. Je vais prendre du crin. Les serpents ou les lézards, ils seront en paille de fer, dont je fais une consommation qui intrigue ma droguiste. Pour faire un hérisson, je me servirai d’une brosse en chiendent. Quant aux paysages, j’aime bien les terminer avec un peu de vraie terre ou un morceau de bois. Voilà où mène le naturalisme. Je suis un peintre qui peint ce qu’il voit. » Paul Rebeyrolle
Note d'intention du commissaire à propos de l'exposition
Paul REBEYROLLE, la nature et l'homme
Peintre et sculpteur, Paul Rebeyrolle (1926-2005) a constitué une œuvre figurative, fascinante, violente et engagée, d'une rare expression. La nature, l'homme et la société y sont les prétextes récurrents d'un art qui se caractérise par un matiérisme appuyé. Le choix d'œuvres présentées à la Fondation Salomon témoignera de la puissance au présent d'une démarche qui n'a jamais laissé aucun regard indifférent.
L'exposition qui ne se veut pas une rétrospective se développe selon une organisation rassemblant d'une salle à l'autre les œuvres en fonction d'une approche tant thématique que plastique.
Elle débute ainsi dans la chapelle par la confrontation entre une sculpture et un tableau aux sujets animaliers. Un sanglier, en bronze, métaphore du caractère entier et fonceur de l'artiste, et une vache, image d'un animal domestiqué dont la couleur rouge n'est pas sans évoquer l'engagement rebelle et politique de Rebeyrolle.
Dans la grande galerie, les tableaux réfèrent au thème générique de la nature. Le choix d'avoir placé cet immense tableau intitulé La pluie et le beau temps de manière frontale en entrant dans cette salle relève de la volonté d'inviter le visiteur à découvrir l'un des premiers tableaux majeurs du peintre qu'il considérait lui-même a posteriori comme porteur en germe de toutes ses préoccupations.
Dans la salle de la cheminée, les quatre œuvres rassemblées traitent toutes des rapports de l'homme au monde économique, qu'il soit manipulé ou confronté aux débordements de la société de consommation. Une façon de souligner dès le début cette alternance récurrente chez Rebeyrolle d'une œuvre qui bascule entre le naturel et le social.
Dans la grande salle ont été rassemblés un ensemble de six tableaux constituant en quelque sorte le noyau dur de l'idée qui fonde cette exposition au regard des trois thèmes retenus de la nature, de l'homme et de la société.
Dans la galerie du premier étage, la série des Implosions regroupe cinq toiles dont l'image de la femme s'offre à voir dans une trituration matiériste qui en dit long de la difficulté de la figurer. Il y va d'une mesure tragique et existentielle de l'être dans une mise à nu du corps qui n'est pas sans rappeler la série des Women de De Kooning ou celle des Dames de Dubuffet.
La salle falconnat nous ramène au thème de la nature avec un ensemble de peintures sur le thème des Quatre Saisons. Daté 1967, il certifie non seulement la prégnance d'une telle iconographie dans l'œuvre de Rebeyrolle mais son soin de l'adosser à une tradition de la grande peinture dans la suite même d'un Nicolas Poussin.
Au second étage, la galerie rassemble des œuvres de différentes périodes qui mettent en jeu de manière plus explicite la part engagée de l'artiste, soit dans des duos d'individus en plein débat, soit par des images suggérant l'idée de rébellion.
Dans la tour, la figure monumentale qui semble fuir le Temps de chien qu'il fait n'est pas une invitation à déserter le monde des humains mais bien plus à nous ouvrir les yeux sur notre terrible condition. De la condition humaine et de la question fondamentale de l'être.
Philippe Piguet
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